dimanche, 19 mai 2024
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Le Printemps berbère et les propriétaires du politique

Il n’est pas une année où le 20 avril passe inaperçu, sans impact sur l’affect populaire, sans discours à la fois commémoratifs et festifs. N’est-il pas temps d’examiner le Printemps berbère en tant que moment historique qui marque la psyché collective ?

D’abord, les militants de gauche anti-culturalistes ont réussi à inscrire la revendication dans son aspect légitime, à savoir son éligibilité à l’universalité, en ce sens que les libéraux de gauche ont réussi à soustraire l’élan populaire des pulsions mortifères qui voulaient inscrire le mouvement dans des postures archaïsantes (essentialisation par le manichéisme), en encourageant le binarisme réducteur et schématique.

La question amazighe voulait échapper à l’emprise des droites ethnicistes et aux gauches technomanes : l’élan populaire a resurgi non seulement contre les forces dominantes (le pouvoir et son idéologie ethno-conservatrice), mais aussi les forces pathologiques antipolitiques, celles qui considèrent que la culturalité est un moyen et une fin de la lutte : les militants culturalistes ont réussi à s’attirer les regards des masses, mais ont échoué à embrigader le mouvement en l’inscrivant dans les combats identitaires.

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Les libéraux de gauche ont oublié les luttes populaires, nous ne voyons pas le moindre communiqué pour rappeler aux mémoires partisantes (ô combien importantes dans les luttes politiques), elles donnent l’air de vouloir se délester de ce lourd fardeau qu’est la référence à l’entité nord-africaine.

Les forces infra-sociales bourgeoises ont été aux côtés des conservateurs qui ont légitimé le culturalisme (la femme serait un Être-pour). Ce conservatisme persiste par la désignation de soi en dehors de tout examen autocritique qui permettrait de faire aboutir le festif social en projet politique dont rêvent les masses, écrasées par l’essoufflement de l’élan populaire et par la persistance de la précarité socio-existentielle. Le régime s’en réjouit, car il lui serait plus facile de dynamiter le bloc populaire par des raisons ethnoculturelles occasionnées par l’essentialisation.

Ensuite, la conversion de la lutte identitaire en revendication populaire a prouvé ses limites, ses échecs. Que ceux qui ont tenté d’intégrer les culturalistes dans le jeu politique sachent que l’identitarisme est la matrice du racisme droitiste qui légitime les violences d’Etat et les névroses refondatrices de l’Être collectif : le politique n’est la propriété ni de la bourgeoisie, ni des hordes primitives chargées de désordonner le fait politique.

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Le nihilisme par lequel la droite agit pour faire fuir les militants des luttes quotidiennes a ses racines dans le renversement des organisations civiles par les nervis d’un nationalisme chauvin que les droites manient à merveille.

Les irréductibles de l’existentialisme droitiste (il n’y a rien à gagner non seulement de la lutte politique, mais de la vie) prêchent la démission. Les névrosés du tout politique ont compris que l’idéal est trans-temporel et qu’il n’est pas le carburant de la lutte statique inscrite dans le temps.

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Les gauches ont joué avec le feu et elles se sont discréditées, l’une à partir de l’institutionnalisation de ce qui, à tort et à travers, est communément appelé l’opposition (les bourgeois du parti, dont certains ne paient même pas leur cotisations) ; les autres ont vu le régime, avec tous ses appareils, y compris ceux qui ont l’habitude d’afficher une neutralité vis-à-vis des courants politiques, prendre une position idéologique qui va contre l’élan populaire.

Les gauches sont à reconstruire.

Madi Abane 

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