lundi, 20 mai 2024
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L’altérité en question : une douce alterphobie

« Traiter autrui seulement comme un moyen, c’est déjà commencer de lui faire violence. 1» Paul Ricoeur.

Serions-nous capables d’une telle audace, cachée et saisie par les instances psychiques de l’Être, à nous exposer en victimes de l’Universel, lui-même, fragmenté par les séquentialisations réalisées par des hommes qui, au lieu de réparer les vices de la horde primitive, se montrent névrosés par les problématisations « intellectuelles » ?

Les intellectomanes résistent à leur désir d’engagement par ce qu’aurait ressenti Sartre dans sa psyché, à savoir le mythe de l’échec. Il faudrait que les concepts, entourés de toutes sortes de doutes, subissent le procès intenté par les spéculateurs, acquis au nihilisme, par la force morale des penchants psychiques, de la pensée ambiante, qui plus est, demandée par les acteurs de l’Instant.

La notion d’altérité nous pousse à nous interroger sur trois postures épistémologiques. D’abord, la définition de l’Être. Ensuite, la pertinence sectaire de l’Être. En dernier lieu, le pouvoir des forces capitalistes dans la fabrication de l’Être. Bien que tout questionnement ne soit l’objet d’un suspens axiologique, dicté, en laissant le Réel être contrôlé par la confusion, que d’aucuns cultivent et exploitent à outrance, par les forces conservatrices.  

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D’abord, l’Être, ne jouit ni d’un consensus conceptuel, ni d’une assise épistémologique ; la liberté étant le moteur de la pensée acquise à la gauche anonyme, et le carburant de toutes les droites, conservatrice en premier lieu, toute tonalité péjorative qui l’atteindrait serait très mal perçue dans l’espace que, malgré toutes les légitimités conceptuelles, les militants se disputent ; chacun voulant sa propre demeure.

Chez les philosophes, cette notion ne cesse d’osciller entre des conceptualisations narcissiques et des théorisations solitaires. De la Cité grecque jusqu’à Heidegger en passant par Husserl, les avis sont coincés par des grammaires existentielles contradictoires. Cela nous pousse à repenser la question de l’identité.

Le choc des identités est le cheval de Troie des droites qui, voulant échapper à la dialectique, instaure la dualité, laquelle freine tout processus historique constituant. Est-ce qu’on doit se désigner par des identités essentialisées, fussent-elles des plus sacrées ? Sartre défendait l’idée que tout homme ayant commis un acte engagerait toute l’humanité, puisque nous appartenant tous à la même famille.

Ensuite, la question de l’Être suscite un questionnement sur la pertinence d’une présence historique. Est-ce qu’il y a possibilité d’existence d’une pluralité d’Êtres qui n’obéit pas à des marquages ontologiques ? Y a-t-il possibilité qu’on parle d’altérité tout en sachant que l’Être 1 et l’Être 2 appartiennent tous deux à la famille humanité ?

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A travers ces questions, nous ne pouvons parler que de changement de posture existentielle, sans qu’il y ait la moindre identité historique et sans qu’il y ait le moindre moralisme réducteur. Être musulman athée parait être un oxymore, mais c’est une réalité amputée d’explications impératives. On peut être culturellement musulman et spirituellement athée. Il y a une multitude d’identités qui paraissent être artificielles, alors qu’elles ne sont que des positions verbalisées (historiques).

En dernier lieu, les rapports de force donnent le capitalisme comme force dominante. Le monde est régi par une épistémè capitaliste qui paraît être indépassable. Les sociétés humaines ont été « pensées » par l’épistémè capitaliste. Tout ce que l’Être a subi comme théorisations serait le produit d’une pensée capitaliste qui agissait comme une machine dont nous faisons tous partie et  qui se montre inséparable de notre vie, y compris de nos comportements intimes.

Les diverses classifications par lesquelles l’on vit ne nous montrent, étant donné nos attachements à la langue commune, qui serait la seule langue légitime, et notre névrose vis-à-vis des grammaires garantes d’existences « normales »,  pas même une lueur de dépassement du capitalisme pour basculer vers la justice universelle.

L’altérité nous fait accéder à un altruisme qui n’a jamais été le produit d’une profonde réflexion. Il y a des altérités trop ethnicisées, y compris dans certains cercles intellectuels qui tentent de dresser les uns contre les autres à partir d’identités artificielles (qui n’ont jamais été historiques), pour rendre nos existences stagnantes, au lieu de leur offrir une stabilité garante de l’éthique humaine.

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Le choc des civilisations est talonné par un choc des subjectivités : certaines positions se voient comme des engagements idéologiques, alors qu’elles ne sont que des actes que seul l’immédiat fait surgir et explique. La tension ethnique est le moyen idéal pour nous diviser, nous humains. Opposer sur des marques ontologiques concerne beaucoup plus les classes dont le penchant spirituel est tranché et acquis à une tolérance au degré zéro et à la loquacité la plus « parcimonieuse ».

Tous les racismes se valent : dénoncer, c’est prendre à témoin l’Histoire face au dérapage que commettent les dominants. Toute communauté touchée dans sa dignité, par n’importe quelle raison, y compris passivement, serait la proie des raisonnements droitistes, connus chez tous et fabriqués par les officines politiques spécialisées dans la contrôle de la doxa trans-institutionnelles pour ne pas dire trans-vies, qui ne sont dénoncés que par leur extrémisme, devrait être réhabilitée.

Le respect de l’Autre entre dans la phase des politiques existentielles à gestion multiple. Si une quelconque identité venait à être l’objet de stigmatisations ou de discriminations, ce seraient les institutions de la République qui se mettraient en branle pour recadrer les récalcitrants et rétablir le contrat civique.

Mais, l’Etat est-il capable de gérer tous les conflits, sans être inique ? Car comme nous l’avons dit, l’Être n’est pas bien cerné par le Réel et ses penseurs. Tout ce qui frappe les diverses communautés qu’elles soient confessionnelles ou ethniques en Occident serait dû à des questionnements philosophiques que la gauche refuse de traiter, du moins craint d’approcher.

La pensée vise le Réel, étant idéalisé et fétichisé par les scripteurs de tous bords, nonobstant leur tendance politique, c’est-à-dire sans engagement total, pour parachever les processus qui mènent vers la sérénité. L’essentialisation a eu la critique qui se devait par les penseurs scientifiques de gauche. Les divergences idéologiques se sont accentuées sur ces questions sur lesquelles la droite a été sérieusement bousculée, voire disqualifiée.

Madi Abane (universitaire)

  1. Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris, 1990, p. 309. ↩︎
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