L’Inde a annoncé l’entrée en vigueur d’une loi controversée sur la citoyenneté votée en 2019, dénoncée par les défenseurs des droits humains comme discriminatoire envers les musulmans et qui a suscité des manifestations sanglantes.
L’entrée en vigueur de cette loi privant les musulmans d’Inde de la citoyenneté intervient à quelques semaines des élections législatives attendues en avril ou mai.
Lundi 11 mars, le ministère de l’Intérieur a annoncé la mise en application de cette loi qui permettra « aux personnes éligibles (…) de présenter une demande pour obtenir la nationalité indienne ».
Le Parlement indien avait adopté en décembre 2019 ce projet facilitant l’attribution de la nationalité aux réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan, mais qui ne seraient pas musulmans !
Seuls les hindous, parsis, sikhs, bouddhistes, jaïns et chrétiens entrés en Inde en provenance de ces trois pays à majorité musulmane sont concernés.
Une loi « fondamentalement discriminatoire »
La loi amende la législation sur la citoyenneté de 1955, interdisant aux migrants illégaux de demander la nationalité indienne. Ses opposants la jugent discriminatoire et contraire à la Constitution, ce que le gouvernement dément.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme avait qualifié de « fondamentalement discriminatoire » le projet, également dénoncé par les organisations de défense des droits humains.
Sa mise en oeuvre avait été repoussée après une forte contestation, menée principalement par la communauté musulmane et les partis d’opposition et qui avait fait plus d’une centaine de morts.
Les défenseurs des droits humains dénoncent ce texte comme s’inscrivant dans la ligne des nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi visant à marginaliser la minorité musulmane en Inde.
En outre, dans le Nord-Est, région mosaïque en proie à de fréquents heurts intercommunautaires et où l’immigration est un sujet extrêmement sensible, les manifestants redoutaient que soit ainsi facilitée la venue d’émigrés hindous du Bangladesh frontalier qui prendraient des emplois aux habitants.
200 millions d’indiens privés de nationalité
Pour ses opposants, le texte constituait également une première étape vers un registre national des citoyens (NRC) redouté par beaucoup de musulmans indiens – 200 millions sur 1,4 milliard d’habitants – comme susceptible de les priver de nationalité faute de pouvoir la prouver. Nombre d’Indiens pauvres n’ont aucun document prouvant leur citoyenneté.
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Narendra Modi avait assuré fin 2019 aux musulmans indiens qu’ils n’avaient « pas à s’inquiéter » et qu’aucune discussion n’était en cours pour mettre en place nationalement un NRC, déjà créé dans l’Assam (Nord-Est) laissant 1,9 million de personnes sur la touche.
L’extension du NRC avait à l’époque été évoquée à de nombreuses reprises par des responsables indiens, y compris le ministre de l’Intérieur Amit Shah.
Les nouvelles dispositions ne concernent pas les personnes venues de pays non musulmans pour fuir des persécutions comme les réfugiés tamouls du Sri Lanka ou les bouddhistes tibétains fuyant le pouvoir chinois ni les réfugiés Rohingyas musulmans venus de la Birmanie voisine.
Le parti nationaliste hindou de M. Modi, le BJP (Bharatiya Janata Party) avait promis cette nouvelle loi dans son manifeste électoral de 2019.
L’Inde devrait annoncer prochainement la date retenue pour ses élections législatives, attendues pour avril ou mai. M. Modi est largement favori pour remporter un troisième mandat.