lundi, 20 mai 2024
DiasporadzEntretienSadek Amara (agronome) : les paysans doivent créer leurs propres banques de semences de terroir

Sadek Amara (agronome) : les paysans doivent créer leurs propres banques de semences de terroir

Sadek Amara est ingénieur en agronomie, collecteur de semences de terroir et président de l’Association de développement de l’agriculture de montagne de Fénaia (El Kseur).

Dans cet entretien à Diasporadz, Sadek Amara souligne l’importance des semences de terroir et l’urgence aujourd’hui « d’identifier nos ressources qui sont dans les terroirs et de les valoriser ».

Entretien réalisé par N. Aksel

Diasporadz : Pourquoi le choix de ces semences locales ?

Sadek Amara : Tout simplement, parce que la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et le réchauffement climatique font partie des enjeux mondiaux. L’épisode Covid 19 a montré qu’on peut assurer notre autosuffisance alimentaire. Car tout le monde dans les villages s’est, sous la contrainte du confinement, mis à travailler et c’est ainsi que de grandes superficies ont été cultivées…

La guerre entre la Russie et l’Ukraine a révélé la gravité de la dépendance de chaque pays des importations, ce qui menace en conséquence leur sécurité alimentaire.

Ajoutant l’impact du changement climatique qui a fait chuter les productions agricoles, paradoxalement les besoins alimentaires ne cessent de s’accroitre…

Donc, pour ne pas demeurer dépendant des semences importées et de tout ce qui les accompagne, comme les pesticides et les fertilisants, je crois qu’il est urgent aujourd’hui d’identifier nos ressources qui sont dans les terroirs et de les valoriser.

Ces dernières sont les mieux adaptées à notre environnement climatique et géologique. Autrement dit, elles sont plus résilientes aux changements climatiques. D’autant qu’elles sont plus naturelles et les citoyens algériens ont le droit de consommer des produits saints et de bonnes saveurs. Les semences sont aussi un bien patrimonial commun de l’humanité et renforcent également la biodiversité.

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Les semences terroir, paysannes, bio ou reproductibles sont aussi un savoir-faire, une culture et une identité des communautés humaines.

Comment et d’où vous vous êtes procuré toutes ces variétés ?

Sadek Amara : Beaucoup de ces semences on les a eu par des échanges. Mais d’autres qui sont nouvelles, on les a achetées soit au niveau national ou de l’étranger.

Le choix de ces dernières, parce qu’elles possèdent des caractéristiques de précocité et de croissance rapide (croissance déterminée ou indéterminée, semi ou naines), on est contraint de se les procurer chez les paysans étrangers.

Donc, certaines sont introduites et on les a fait adapter au terroir. J’ai réussi, même, à en créer une variété. Je suis déjà à la 5ᵉ année en attendant sa stabilisation. Bientôt, elle sera chez les amoureux de la tomate.

Quels sont les avantages que tirent les paysans de l’utilisation de ce genre de semences ?

Sadek Amara : Les semences de terroir permettent aux paysans de s’autonomiser du marché, tout en favorisant les échanges et le troc entre eux. Par conséquent, elles leur permettent de faire des économies en eau et en dépenses d’achat de semences et de produits phytosanitaires.

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On se souvient bien, par exemple, des melons de qualité comme «ava3li» qu’on cultivait chez nous à Fenaia au mois de juin après la récolte des fèves et qu’on arrosait seulement une à deux fois durant tout son cycle.

Que prévoyez-vous pour élargir cette collecte de semences de terroir ?

Sadek Amara : Les événements comme ce Salon de l’agriculture de montagne de Sidi Ayed sont vraiment très intéressants comme d’autres. Mais aussi, nous sommes conscients qu’il faut créer des initiatives et des actions spécialement pour les semences locales, ou plus encore pour les ressources phylogénétiques et zoo génétiques (races). Nous pensons que leur préservation relève d’une responsabilité sociétale.

Il faut que les paysans parviennent à créer leurs propres banques de semences communautaires ou locales. Pour ce faire, il faut procéder aux collectes participatives où faire impliquer les paysans, les citoyens, les acteurs associatifs, les comités de village, les autorités comme les maires et les institutions agricoles à la préservation in situ. Car, c’est la meilleure méthode de préservation et de sauvegarde de leur patrimoine semencier.

N. A.

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