jeudi, 9 mai 2024
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Krim Belkacem, la guerre et la paix

Krim Belkacem a su faire la guerre lorsqu’il fallait combattre un système colonial injuste, négocier la paix et se retirer le moment voulu pour éviter au peuple les affres de la guerre civile. Portrait.

Par Lyazid Benhami (1)

Avant de faire la guerre, il faut penser à la paix. Un adage connu par tous les stratèges. Le Front de Libération nationale algérien, le FLN, en ayant déclenché la Révolution le 1er novembre 1954 a également pensé à la paix.

Penser la guerre

Par la déclaration du 1ernovembre, le FLN ne mentionne-t-il pas : « En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. Les évènements du Maroc et de Tunisie sont à ce sujet significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l’Afrique du Nord. »

Par ces mots, nous distinguons deux aspects, celui de l’action interne nécessaire lors de la guerre et puis celui de l’action diplomatique mise en œuvre à l’extérieur comme un outil supplémentaire au dialogue si nécessaire et trouver le chemin d’une solution au conflit donc la voie vers une fin de la guerre armée et choisir la paix.

Aujourd’hui, quelques efforts sur l’écriture de l’histoire entre la France et l’Algérie se font sentir ; mais faut-il encore que celle-ci s’écrive à l’endroit, avec justesse et de manière scientifique, dépourvue de sentiments partisans et idéologiques. Que le contexte et les faits historiques soient privilégiés aux supputations, voire à la supercherie de l’histoire.

A l’occasion de la commémoration du cessez-le-feu du 19 mars 1962, conclu lors des Accords d’Evian la veille le 18 mars, un nom s’impose à la mémoire et symbolise à lui seul le travail accompli pour atteindre les objectifs énoncés dans la déclaration du FLN du 1er novembre 1954.

Krim Belkacem a fait la guerre. Il mena le combat armé à l’intérieur du pays, mais tout en s’appuyant sur le travail diplomatique engagé à l’extérieur du pays, en faisant le choix de la concertation et de la recherche d’une solution politique au conflit armé.

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Révolutionnaire de la première heure, il prit les armes dès 1947. En unifiant la Kabylie, il permit à la wilaya III, puis à la zone autonome d’Alger, de devenir les principaux bastions et la colonne vertébrale de l’Armée de Libération nationale, l’ALN.

Sans revenir en détails sur les faits d’armes, l’opération « Oiseau bleu » relate à elle seule le génie et le stratège de ce grand combattant. Il facilitera et permettra la tenue du premier congrès qui a structuré et organisé la Révolution, le congrès de La Soummam.

Par ce congrès, le FLN se dota de l’ossature qui permit la création des instances du FLN qui ont mené à bien le combat militaire et politique jusqu’à l’indépendance. C’est encore lui, Krim, qui a créé la zone autonome en décembre 1956. Il a désigné Abane Ramdane au poste de chef de la zone autonome d’Alger, chargé particulièrement de certaines liaisons avec l’intérieur du pays.

Vice-président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et Ministre de la Guerre, Krim Belkacem aura en charge le combat à tous les moments clés de cette guerre d’Algérie.

La libération n’a été possible qu’avec l’adhésion et le soutien du peuple dans sa grande majorité. Ministre des Affaires étrangères et toujours vice-président du Conseil, par son travail efficace, il a sensibilisé le reste du monde à la cause algérienne.

On se souviendra du 22 août 1960 à Beyrouth, à la conférence des ministres des Affaires étrangères des pays arabes. Arrivé inopinément, Krim imposa l’ordre du jour, le conflit algérien ! Ou bien lors de ses interventions dans les principales capitales à travers le monde, à Pékin, à Moscou, à Rome, à New-York et tant d’autres.

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Krim Belkacem ouvra la voie à la diplomatie algérienne de vivre ses heures de gloire même après l’Indépendance. L’aura de cette révolution exemplaire a donné de l’espoir à tout un peuple, à un continent, à l’Afrique de se libérer.

Vers la paix en Algérie

Il a fallu de longs mois de conversations où, dans le plus grand secret, émissaires et membres du gouvernement français ont négocié avec les délégués du Front de Libération nationale.

Qui mieux qualifié et expérimenté que Krim Belkacem pour présider la délégation du FLN pendant les négociations de paix face aux représentants du Général de Gaulle pour négocier du sort de l’Algérie

L’histoire a fait qu’il est devenu un interlocuteur unique au gouvernement français. Le rôle de Krim Belkacem est capital, c’est lui qui conduit les négociations. Comble de la malchance, Krim Belkacem tombe malade en mars 1961, très forte crise.

Krim Belkacem est opéré en mars 1961 par le professeur italien Cassano, professeur de l’université de Rome, dépêché par le professeur Michel Martini à Tunis. Il était question de vie ou de mort. Ce n’est qu’en avril qu’il pourra reprendre ses activités et repartir à Genève.

Entre temps, les négociations se sont arrêtées. Le Général de Gaulle ayant pris la mesure de la prééminence de Krim finit par vouloir conclure que seulement avec Krim Belkacem. La tentative de la paix des braves et celle consistant à incorporer les messalistes du MNA dans le jeu n’avaient en définitive que retardé les négociations sérieuses avec les acteurs légitimes, les représentants FLN et à leur tête Krim Belkacem.

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Aux heures sombres et difficiles des pourparlers, le 31 mars 1961 a été assassiné Camille Blanc, le maire de la ville d’Evian, par les partisans de l’Algérie française. Krim dira qu’il sera bien présent à Evian malgré tous les risques encourus !

Le chemin menant à la paix ne se conclue pas uniquement avec les représentants du gouvernement français, Krim imposa sa vision également au reste des membres du FLN.

Après la signature des Accords d’Evian le 18 mars 1962, puis les semaines suivantes, il eut des gestes de réconciliation et d’apaisement en direction des Français d’Algérie. En juin 1962, il rencontre le leader de l’OAS Jean-Jacques Susini.

L’année 1962 a été une année charnière remplie d’incertitudes pour cette Algérie fraîchement libre. Nombreux étaient les protagonistes à vouloir tirer les marrons du feu d’une situation frôlant la guerre civile.

Entre un GPRA installé à Rocher Noir, fragilisé et remis en cause, une Force Locale d’interposition mais sans réelle ancrage et assise, voire sans gouvernance à proprement dit, les wilayas se repositionnant dans l’échiquier militaire et politique, et enfin avec un état-major des armées des frontières qui s’impose par un coup de force militaire puis politique depuis Tlemcen, il ne resta à Krim que la raison et du bon sens pour empêcher un embrasement général qui pourrait remettre en cause les accords d’Évian et la stabilité du pays fraichement indépendant.

Meurtri par les différents coups de force qui s’imposent dans le champs politique et affaibli par les coups de canifs venant fragiliser la cohésion au sein des révolutionnaires d’hier et du moment, Krim Belkacem choisit de s’éloigner provisoirement de la scène politique. Il choisit la voie de la paix, seule issue libératrice pour un peuple meurtri par cent trente ans de colonialisme et de huit ans de guerre.

Krim Belkacem a fait la guerre mais il a su faire la paix. La grande Paix, celle qui libérera le peuple algérien de la colonisation et ce, en apposant sa seule signature en sa qualité de vice-président du GPRA aux côtés des trois ministres français, Louis Joxe, Robert Buron, Jean de Broglie.

En étant le premier dirigeant à fouler la terre algérienne le 10 juin 1962 pour négocier avec l’OAS et assurer la paix à l’intérieur du pays. En acceptant après l’indépendance certaines concessions, réalisant un accord pendant la crise de l’été 1962 afin de répondre au désir profond des masses pour sortir de ce malheur de lutte pour le pouvoir et donner la chance d’embrasser une paix durable à ce jeune Etat, l’Algérie.

L. B.

  1. Coordonnateur du Centenaire de Krim Belkacem ↩︎
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1 COMMENTAIRE

  1. Krim Belkacem, le fondateur de l’idéalisme algérien.
    L’idéal a été tenu vivace par le père de la révolution algérienne lorsqu’il déclara lors de l’ouverture de la conférence d’Évian le 20 mai 1961 ce qui suit : « Comme nous avons eu l’occasion de le déclarer, l’Algérie veut accéder à la vie internationale, sans complexe, avec le désir sincère de coopérer avec tous les peuples et d’apporter sa modeste contribution au progrès humain. »
    Gloire et éternité à nos valeureux martyrs.

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