Hocine Ziani n’est pas seulement un peintre algérien de renommée internationale. Il est aussi un témoin de son temps, un conteur visuel dont la toile est à la fois mémoire, lumière et résistance.
Né à Sidi-Daoud, un petit village proche de Dellys, le peintre Hocine Ziani découvre très tôt le dessin, loin des cercles artistiques conventionnels. Autodidacte dans ses débuts, c’est dans le silence d’une enfance rurale qu’il esquisse ses premières lignes, celles-là mêmes qui, des années plus tard, traceront des paysages chargés d’histoire et de poésie.
Son chemin commence pourtant hors des ateliers : après des études en comptabilité et un service militaire effectué entre 1974 et 1977, Ziani traverse le Sahara. Ce voyage initiatique, au cœur du Hoggar et du monde touareg, marque un tournant. Il y découvre une lumière, une matière, un silence qui ne le quitteront plus. En 1978, il abandonne définitivement la comptabilité pour se consacrer pleinement à la peinture. Dès l’année suivante, sa première exposition à Alger confirme sa place émergente sur la scène artistique nationale.
Ziani intègre alors le Groupe des 35, aux côtés d’autres figures majeures de la création algérienne. Très vite, il est sollicité pour représenter l’histoire du pays à travers des œuvres commandées par des institutions publiques : le Musée central de l’Armée, le Musée national des Beaux-Arts d’Alger, ou encore la Présidence. Sa peinture devient une passerelle entre mémoire collective et expression personnelle. En 1987, le président Chadli Bendjedid lui remet un diplôme d’honneur.
En 1992, face à la montée des tensions en Algérie, Hocine Ziani s’installe en France. L’exil, loin de le freiner, démultiplie sa créativité. À Paris, puis à Strasbourg, il expose dans des galeries réputées. Sa renommée s’élargit à Bruxelles, Dubaï, New York, Singapour. Il reçoit le prestigieux Prix Karl Beulé de l’Académie des Beaux-Arts, ainsi que la médaille d’or au Salon international de Vittel. L’artiste algérien devient une figure respectée de la scène picturale internationale.
La force de Ziani réside dans sa capacité à conjuguer réalisme, orientalisme et impressionnisme, avec une touche d’abstraction. Il peint l’Algérie des batailles et des figures historiques (l’émir Abdelkader, Tin Hinan), mais aussi celle des caravansérails, des oasis et des scènes de vie quotidienne. Sa palette, dominée par les ocres et les terres brûlées, fait vibrer la lumière saharienne avec une intensité rare.
Détail singulier de son travail : l’absence volontaire de ligne d’horizon, inspirée par les tempêtes de sable du désert où ciel et terre se confondent. Cette disparition structurelle crée une profondeur énigmatique, où les personnages semblent émerger d’un mirage ou d’un rêve lointain.
La lumière est son outil majeur. Elle ne se contente pas d’éclairer : elle raconte. Chez Ziani, elle sculpte les corps, souligne les silences, révèle les visages. Son pinceau, à la fois précis et vibrant, rend hommage aux matières – sable, pierre, étoffe – mais aussi à la mémoire, aux souffrances et aux renaissances.
Aujourd’hui, les œuvres de Hocine Ziani figurent dans de nombreuses collections publiques et privées : en Algérie, en France, au Maroc, aux Émirats, à Cuba, au Venezuela ou encore en Arabie saoudite. Son art transcende les frontières. Récemment, il a rejoint des projets de numérisation d’art algérien à travers des NFT, explorant de nouveaux formats pour faire vivre et voyager sa peinture.
Ziani n’est pas seulement un artiste du passé ou de la mémoire. Il est aussi un passeur entre les époques, les cultures, les supports. Il a su faire de son exil une force, et de son œuvre un territoire d’expression pour ceux que l’histoire oublie trop souvent.
Hocine Ziani continue d’exposer, de peindre et de chercher. Son œuvre est traversée par des thèmes universels : la transmission, la mémoire, le silence, l’espoir. Dans un monde souvent bruyant et fugace, ses toiles invitent à la contemplation. Elles offrent un espace où le temps semble suspendu, et où chaque grain de sable, chaque pli de tissu, chaque éclat de lumière nous parle d’un ailleurs, d’un autrefois… et d’un toujours.
Brahim Saci
Le site du peintre Hocine Ziani : www.ziani.eu