lundi, 20 mai 2024
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Réflexion sur mon éducation religieuse (partie 2)

A l’âge de seize ans, j’ai été captivé par l’histoire d’un biologiste américain nommé Stanley Miller, dont l’audace défiât les limites de la création en laboratoire.

En tant que jeune musulman, son entreprise m’a initialement bouleversé, trouvant sa démarche présomptueuse et impie.

Comment un être humain peut-il oser défier ainsi l’autorité divine en prétendant créer la vie dans le confinement d’un laboratoire ? Cette audace semblait incarner l’arrogance humaine, une prétention blasphématoire à jouer le rôle de Dieu lui-même.

Pourtant, poussé par une curiosité étrange et insatiable, j’ai ressenti un besoin impérieux de comprendre les motivations de cet homme et les mystères qu’il cherchait à percer. Je me suis alors tourné vers mon professeur de physique, lui demandant de m’éclairer sur les expériences de ce scientifique.

Quelques jours plus tard, il m’a ouvert les portes d’un monde fascinant où des éléments chimiques comme l’ammoniac, le méthane, l’hydrogène et la vapeur d’eau s’entremêlaient dans une danse mystérieuse, recréant l’atmosphère primitive de notre planète il y a quatre milliards d’années. Quatre milliards d’années ?!

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Cette révélation m’a frappé de plein fouet, comme si une brèche s’ouvrait dans ma compréhension du temps et de l’histoire de notre monde. Pourquoi ne m’avait-on jamais parlé de l’âge de la Terre auparavant ? Était-ce par crainte d’éveiller des interrogations dérangeantes, contraires aux croyances répandues ?

L’expérience de Miller, cette alchimie moderne, soumettait ce mélange primordial à des décharges électriques, telles les premiers battements du cœur de la vie sur Terre, dans l’éclat des orages, la fulgurance des éclairs, la caresse du rayonnement solaire. Puis, dans un acte d’humilité empreint de poésie, il laissa reposer ce liquide de vie pendant sept jours, comme un écho lointain aux récits bibliques de la Création.

À l’époque, ces résultats complexes m’échappaient, voilés par mon ignorance scientifique et la simplicité de ma vision du monde. Mon professeur m’expliqua que Miller n’avait pas trouvé la vie, mais avait réussi à synthétiser les acides aminés, ces joyaux moléculaires essentiels à l’épanouissement de la vie telle que nous la connaissons.

Pour moi, ce n’était que balivernes, une hérésie que je rejetais avec la foi inébranlable d’un pèlerin se rendant à La Mecque. L’idée que la vie puisse surgir du chaos des éléments chimiques, sans l’intervention divine, me semblait intolérable. Comment ces atomes et ces molécules pourraient-ils s’organiser seuls en un être vivant, sans la main du Créateur pour guider leur danse ?

La rencontre avec Stanley Miller fut bien plus qu’une découverte ; elle fut une brèche ouvrant sur l’infini, une fissure dans l’édifice rigide de mes croyances. Dans cet univers en perpétuelle mutation, mes résistances à la science s’effritaient, laissant place à une quête plus profonde de sens et de cohérence.

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Lorsque les idées de Darwin se sont révélées à moi, ce fut comme contempler un tableau dont les contours flous commençaient à se préciser. L’évolution, ce mouvement universel qui guide toutes les formes de vie depuis les temps immémoriaux, se dévoilait comme une danse céleste, orchestrée par les forces insaisissables du hasard et de la sélection.

L’acceptation de ces concepts fut laborieuse, car ils remettaient en question les fondements mêmes de ma vision du monde. Pourtant, au-delà du choc initial, j’ai trouvé en eux une réponse à une quête spirituelle insatiable. Ils m’ont offert des réponses cohérentes là où la tradition religieuse se taisait, éclairant les zones d’ombre de notre existence. La science ne m’a jamais offert une vérité absolue mais une attitude selon laquelle la connaissance est un éternel mouvement.

L’énigme de la diversité humaine, cette palette infinie de couleurs et de cultures, trouvait enfin un écho dans les méandres de l’évolution. Qu’est-ce que c’est la vie ? Dieu a-t-il créé la vie ? Celle de l’homme et aussi de l’animal ? Quand et comment ? Les explications religieuses ne répondaient plus à mes interrogations. Ainsi, dans cette quête incessante de sens et de connaissance, la science se révèle être une alliée précieuse, une lumière dans l’obscurité de l’ignorance. Et tandis que l’homme s’enfonce toujours plus loin dans les mystères de l’univers, il se rapproche peut-être un peu plus de cette réalité ultime, évanescente et pourtant si proche.

Avec le passage du temps et l’essor graduel de la réflexion, mes réserves à l’égard du discours scientifique se sont fissurées, laissant place à une vision empreinte de probabilités où le hasard occupe une position centrale. Les récits religieux, jadis omniprésents dans ma conception du monde et de la vie, se sont estompés, cédant la place à une réalité façonnée par les aléas du hasard. Désormais, chaque événement, chaque existence, porte en elle-même la marque indélébile de la probabilité, oscillant entre l’existence et la non-existence. La vie, complexe et insaisissable, n’est plus perçue comme l’œuvre divine par excellence, mais plutôt comme le fruit fortuit des circonstances.

Dans le dédale des aspirations scientifiques de Stanley Miller, s’exprime la vanité de nos efforts pour dompter les forces primordiales qui animent l’univers. Pourtant, cette nouvelle compréhension de la vie a laissé une empreinte indélébile sur ma propre perception de moi-même, tant dans mon contexte culturel que dans ma sphère intime.

Mes questionnements incessants, bien que perturbateurs pour certains, ont revêtu pour moi une valeur salvatrice, offrant un havre de paix face aux troubles de l’existence et fortifiant mes convictions intérieures.

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À l’aube de mes dix-huit ans, une révélation s’est insinuée dans les méandres de ma conscience, ébranlant les fondations de mon être. L’idée que l’on ne naît pas musulman, mais que l’on le devient, a jailli en moi telle une illumination perçant les ténèbres de l’ignorance. Cette vérité, pourtant méconnue de beaucoup, a révélé une réalité troublante : notre appartenance religieuse n’est pas inscrite dans nos gènes, mais façonnée par les mains expertes du conditionnement et de l’éducation.

Dans l’Algérie coloniale, le destin de nombreux enfants orphelins témoigne de cette vérité flagrante. Élevés dans des orphelinats dirigés par les « pères blancs », ils furent souvent adoptés par des familles laïques ou chrétiennes, éloignant ainsi leur destinée religieuse des préceptes de leur naissance.

Ainsi, la foi musulmane, loin d’être une grâce divine, se révèle être le fruit capricieux d’un processus d’acquisition et de conditionnement. J’ai alors réalisé avec une grande clarté que la religion n’est pas transmise de façon innée, mais par le truchement d’un conditionnement subtil, orchestré par les figures d’autorité de notre entourage.

Mes parents, l’école, la société tout entière semblaient unie pour imprégner en moi les dogmes et les rituels de l’islam, comme autant de traces laissées dans le sable par le vent. Mais ce conditionnement, loin d’être une simple transmission de connaissances, ressemblait davantage à un remplissage mécanique d’un vase sans fond.

Car l’éducation véritable, contrairement au conditionnement, est un feu qui éclaire l’esprit et une faim qui réveille l’âme. Je me suis senti tel un vase sans fond, submergé par les flots du dogme sans jamais ressentir l’éclat de la connaissance.

Omar Hamourit

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