Dans les méandres colorés de l’imaginaire féminin, les toiles de l’artiste peintre Massyka Belhoula nous plongent dans un univers singulier, à la fois onirique et intensément expressif.
À travers ses œuvres, l’artiste peintre Massyka Belhoula compose un langage pictural reconnaissable entre mille : visages étirés, regards immenses bordés de cils exagérément longs, nez aquilin, lèvres pleines, corps sculptés dans la douceur et la grâce. Chaque tableau semble raconter une histoire silencieuse, une confidence entre les lignes de couleur, entre les fleurs et les arabesques.
Massyka Belhoula, née à Constantine, a vécu son enfance à Alger. Artiste peintre représentative de la peinture contemporaine algérienne, elle est issue d’une famille d’artistes – musiciens et peintres – et diplômée des écoles supérieures des Beaux-Arts de Constantine et d’Alger. Polyvalente, elle a aussi exploré le stylisme, participé à plusieurs défilés de mode, et exercé comme enseignante en arts plastiques. Influencée dès son plus jeune âge par le patrimoine algérien, les univers orientaux et les contes des Mille et Une Nuits, elle puise son inspiration dans les visages féminins et les costumes traditionnels algérois, avec une prédilection pour la couleur et la symbolique. Ayant beaucoup travaillé auprès des femmes – dans le maquillage comme dans l’habillement – elle projette dans ses œuvres la féminité, l’amour et la douceur. Pour elle, l’art est une fin en soi : elle aime l’art pour l’art.
Massyka Belhoula a participé à des expositions collectives dès ses études aux Beaux-Arts de Constantine. Parmi ses nombreuses expositions individuelles et collectives : musée national de Cirta (2010), galerie Elyasmine, Bastion 23 (Alger), Palais de la culture El Khalifa à Constantine, festivals nationaux à Tlemcen, Tipaza, Béjaïa, Médéa, Guelma, Tébessa, Ain Defla, ainsi qu’à de nombreux événements à Alger, Constantine, et Skikda entre 2015 et 2025. Elle a exposé dans les galeries Guessoum, Hala, Karavanseray, et au Palais des Rais. Elle a participé à des salons comme Numedia, à des initiatives artistiques inclusives avec des associations (trisomiques, sourds-muets), à des événements en ligne durant la pandémie, et à de nombreuses manifestations dédiées aux femmes artistes. Ses œuvres ont également été acquises par des collections privées à l’international.
La figure féminine est omniprésente, souvent seule, parfois en duo avec une figure masculine stylisée, mais toujours magnifiée. L’artiste peintre Massyka Belhoula s’éloigne des représentations classiques pour tendre vers une forme de féminité mystique, enveloppée d’ornements, de tissus foisonnants, de motifs floraux, de bijoux fantaisistes. Certaines femmes sont rêveuses, les paupières closes dans une posture presque spirituelle, d’autres regardent le spectateur droit dans les yeux avec une force tranquille, parfois agrémentées d’une rose rouge ou d’une fleur symbolique. Le tout baigne dans une palette chaude et dense où l’orange, le violet, le turquoise et l’or fusionnent dans une harmonie visuelle qui rappelle autant les miniatures persanes que les fresques andalouses.
À travers ce style flamboyant, Massyka Belhoula offre une réflexion poétique sur l’identité, la mémoire, la beauté et la spiritualité. Les vêtements des personnages semblent raconter des fragments de patrimoine, des souvenirs brodés d’Algérie, des clins d’œil aux arts décoratifs du Maghreb, voire aux influences ottomanes. Les arrière-plans, quant à eux, sont souvent texturés ou décorés de motifs végétaux, renforçant l’aspect intemporel et symbolique de l’ensemble.
Cette série de tableaux, que l’on peut admirer dans des expositions organisées dans des lieux patrimoniaux au charme andalou, impose une signature artistique affirmée. L’œuvre de Belhoula ne se contente pas de séduire l’œil ; elle engage aussi une réflexion sur la place de la femme, sur son rapport au monde, à l’amour, à la tradition et à la liberté. À travers la stylisation de ses visages, c’est une humanité plurielle qu’elle esquisse, douce et résistante, secrète et flamboyante. Ses personnages nous observent, parfois nous sourient, parfois nous ignorent, mais jamais ne nous laissent indifférents.
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L’impact de l’œuvre de Massyka Belhoula dépasse largement le cadre de l’esthétique picturale. À travers une démarche singulière, profondément enracinée dans la culture maghrébine mais résolument contemporaine, l’artiste redonne souffle à des figures féminines longtemps figées dans les représentations traditionnelles. Elle ne se contente pas de peindre des femmes : elle leur offre un espace d’expression, un territoire de rêve et de dignité où se croisent mémoire, héritage et quête d’émancipation.
Son apport réside dans cette capacité à concilier l’intime et l’universel. En donnant à voir des visages stylisés, presque archétypaux, elle parvient à créer une connexion émotionnelle immédiate avec le spectateur, quelle que soit sa culture. Sa palette vibrante, ses symboles récurrents et ses textures minutieusement travaillées constituent un langage à part entière, accessible et profond, poétique sans être hermétique. Elle inscrit son art dans une forme de résistance douce : celle de la beauté comme rempart contre l’oubli, celle de la féminité comme force d’élévation.
Massyka Belhoula ne cherche pas à imposer un message ; elle préfère suggérer, enchanter, éveiller. Et c’est peut-être là que réside la puissance de son art. Il nous rappelle que la peinture, même dans sa forme la plus stylisée, peut encore dire l’essentiel : la richesse de nos identités, la complexité de nos regards, et l’éternel besoin d’exister pleinement.
Brahim Saci