jeudi, 26 juin 2025
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Marie Andreasz ou la photographie comme poésie du silence

Marie Andreasz est une artiste française dont le travail de photographie se distingue par une approche sensible, contemplative et profondément artistique. Son œuvre, discrète mais marquante, se situe à la croisée de la photographie d’auteur, de l’édition artisanale et de l’engagement social.

Formée au Canada, Marie Andreasz y a suivi l’enseignement de Robert Frank, figure majeure de la photographie documentaire, dont l’influence transparaît dans son regard : une quête silencieuse d’émotions vraies, à la lisière du visible et du sensible.

Son univers esthétique s’affirme dans le noir et blanc argentique, un choix assumé à l’heure du tout-numérique. Le grain, la lumière, la lenteur du processus font partie intégrante de sa démarche. Elle valorise des techniques artisanales, privilégiant les tirages sur papier baryté et les éditions limitées. Cette fidélité à la matière donne à son travail une dimension presque tactile, où chaque image semble respirer son propre silence.

L’un de ses projets les plus remarqués, Lisière étroite, témoigne de cette exigence : publié en 2010 par les Éditions Mains-Soleil, ce livre d’artiste réunit dix tirages originaux accompagnés d’un texte introspectif de Philippe André, psychiatre et écrivain. L’ouvrage existe en deux versions : une édition rare de 11 exemplaires signés, et une édition courante de 175 exemplaires, dont les 15 premiers contiennent un tirage signé. Le dialogue entre texte et photographie y prend une dimension méditative, entre rêverie et intériorité.

Andreasz est également l’autrice de Rêver, photographier, rêver, un ouvrage autoédité en 2014 mêlant images et fragments poétiques. Ce livre, imprimé à Sète sous un format intime et non paginé, explore le lien ténu entre vision intérieure et perception du monde. Philippe André, dans un texte consacré à cette œuvre, parle d’un “enchantement du monde” que l’artiste restitue en privant l’image de toute lumière extérieure superflue, comme si celle-ci devait jaillir de l’objet lui-même. À travers les noirs d’encre et les gris insaisissables de ses tirages, elle offre au regardeur une traversée onirique du réel.

Son œuvre ne s’arrête pas aux murs des galeries ou aux pages des livres. Elle s’incarne aussi dans des lieux de soin. Marie Andreasz anime un atelier photo dans un établissement psychothérapeutique pour jeunes adultes. Là, elle utilise la photographie comme outil d’expression et de reconstruction, donnant à sa pratique une profondeur sociale et humaine rare. Ce travail d’accompagnement discret, mais essentiel, révèle une artiste qui considère l’image non seulement comme un art, mais comme un lien — à soi, à l’autre, à la mémoire.

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Elle a également collaboré avec l’auteur Thierry-Hugues Lemaître pour le livre Espace(s), publié en 2011 par les Éditions Mains-Soleil. Ce projet explore un dialogue libre entre mots et images, sans chercher l’illustration directe. Loin de toute narration linéaire, le livre propose une lecture sensorielle et poétique, où le lecteur est invité à emprunter ses propres chemins intérieurs. Comme pour ses autres publications, Espace(s) s’inscrit dans une volonté de faire du livre un objet à part entière, pensé dans sa matérialité, sa respiration et son silence.

Son travail a également été remarqué par la Bibliothèque nationale de France, où ses ouvrages sont référencés, signe de reconnaissance dans le champ artistique et éditorial. Parallèlement, elle intervient ponctuellement dans le domaine de l’image éditoriale et résidentielle, où son sens aigu de la lumière et de la composition apporte une touche singulière aux espaces qu’elle photographie.

Marie Andreasz ne cherche pas la médiatisation, elle cultive le retrait. Ses images parlent pour elle, avec douceur et détermination. Elle construit, loin des bruits du monde, une œuvre profondément poétique et engagée, qui touche par sa sincérité et sa justesse. À travers ses livres, ses ateliers, et ses tirages rares, elle tisse des liens entre art, soin et mémoire. Elle ne cherche pas à faire du bruit, mais à faire trace. Et c’est peut-être là que réside toute sa force.

Brahim Saci

Le site de l’artiste Marie Andreasz : www.marieandreasz.com

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