lundi, 20 octobre 2025
DiasporadzActualitéÀ Béjaïa : est-ce le souffle nouveau de la démocratie participative ?

À Béjaïa : est-ce le souffle nouveau de la démocratie participative ?

Pour la première fois depuis l’indépendance, le wali de Béjaïa a reçu une délégation citoyenne venue du village Djebla, dans la commune de Beni Ksila, une terre agricole et maritime au potentiel immense mais longtemps délaissée.

Ce village n’est pas anodin : Djebla est aussi le lieu de naissance d’Akli Banoune, l’un des premiers fondateurs du mouvement national algérien, figure essentielle du combat pour l’émancipation et la conscience politique du peuple algérien. Un nom que peu de manuels ou d’initiatives de commémoration évoquent encore, y compris dans sa propre commune, symbole d’une mémoire collective restée trop longtemps en marge.

Cette rencontre inédite, suivie d’actions immédiates, marque-t-elle l’aube d’un nouveau mode de gouvernance locale, entre écoute et participation citoyenne ?

Une première et inédite rencontre

Le 13 octobre 2025 restera sans doute une date symbolique pour la région de Béni Ksila. Ce jour-là, le wali de la wilaya de Béjaïa, Kamel Eddine Karbouche, a reçu, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante, une délégation de l’association citoyenne “Tajmaat n Djebla”, issue du village Djebla, situé dans la commune de Beni Ksila — un territoire à la fois agricole, maritime et porteur d’une histoire millénaire.

La rencontre a été initiée par le député indépendant M. Mouloud Dehouche, en étroite collaboration avec le wali, à la suite d’une visite de travail et de proximité qu’il avait effectuée dans la région pour écouter les préoccupations des citoyens.

Cette réception, inédite dans son format et son esprit, a été organisée à la résidence d’hôte de la wilaya, en présence de plusieurs directeurs exécutifs des secteurs clés : travaux publics, agriculture, énergie (Sonelgaz), jeunesse et sports, ressources en eau et équipements publics.

Les représentants de Tajmaat n Djebla sont venus porter la voix de ces collines oubliées, éprouvées mais résilientes, riches de leurs terres et de leur jeunesse.

Les potentialités y sont pourtant réelles, visibles, mais elles demeurent prisonnières d’un système où les projets meurent avant même de naître, étouffées depuis des décennies par la marginalisation et l’immobilisme.

Cette région ploie sous les retards d’infrastructures et la mainmise d’intérêts fonciers opaques, qui ont ravagé son littoral, tandis que les incendies criminels ont dévasté les collines et les villages environnants, anéantissant tout espoir de développement durable.

Ce fut un échange franc, courtois et sincère, porteur d’espoir. Et pour cause : à peine vingt-quatre heures après la rencontre, le directeur de la jeunesse et des sports de Béjaïa s’est rendu sur place pour dresser un constat des lieux et identifier les carences du secteur. Un geste rare, presque inconcevable dans une administration souvent engluée dans les lenteurs bureaucratiques.

D’autres visites sectorielles sont déjà annoncées, conformément aux instructions du wali.

Un nouveau modèle de gouvernance ?

La question se pose : assistons-nous à la naissance d’une démocratie participative locale, ou à un épisode isolé de communication institutionnelle ? Le simple fait que des citoyens organisés sous forme d’association soient reçus, écoutés et suivis dans leurs revendications concrètes marque un signe d’ouverture, une ébauche de gouvernance concertée.

Mais la véritable transformation ne viendra que si ces échanges débouchent sur des réalisations visibles, un retour de confiance entre les citoyens, l’État et l’élu — celui qui est là pour servir et non pour se servir —, ainsi qu’une reconnaissance durable des dynamiques locales.

Ce 13 octobre pourrait donc marquer un tournant, à condition que le dialogue entamé ne reste pas un simple exercice protocolaire. La réception de Tajmaat n Djebla pourrait devenir le modèle d’un nouveau rapport entre l’État et les citoyens, où la concertation prime sur la méfiance, où les propositions locales deviennent partie intégrante de la planification territoriale.

Autrement dit, une démocratie participative à la kabyle, ancrée dans la tradition ancestrale du Tajmaat, ce conseil villageois qui incarnait depuis toujours la parole collective et la gestion communautaire.

En guise d’espoir

À travers ce geste d’écoute et de reconnaissance, le wali de Béjaïa, M. Kamel Eddine Karbouche, a peut-être ouvert une brèche dans le mur de l’indifférence.

Mais l’histoire jugera sur pièces : les promesses n’ont de valeur que si elles se traduisent en actes, et les actes ne prennent sens que s’ils rendent à ces villages le droit de se développer et de prospérer.

Cette rencontre représente, quoi qu’il en soit, le symbole d’un citoyen qui a fait entendre sa voix, d’un élu qui a reconnecté avec sa vocation, et d’une administration qui, enfin, a prêté l’oreille.

Reste à savoir si ce dialogue deviendra une pratique durable, ou s’il retombera dans le silence des vallées, lorsque les élans de bonne volonté ne seront plus aux postes de responsabilité.

Hamid Banoune

À LIRE AUSSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

LES + LUS

Derniers Commentaires