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Souhila Mohandi : une voix singulière dans l’univers médiatique algérien

Souhila Mohandi

Souhila Mohandi, en élégante tenue traditionnelle, lors de son animation du concert d’Amour Abdenour, au Dôme de Paris, le 7 juin 2025. Photo Diasporadz

Dans un paysage médiatique en pleine mutation, où l’audiovisuel en langue amazighe s’impose peu à peu, émergent quelques figures féminines à la fois talentueuses, charismatiques et profondément enracinées dans leur culture. Parmi elles, Souhila Mohandi occupe une place singulière.

Animatrice, conceptrice d’émissions et présentatrice d’événements culturels, Souhila Mohandi incarne cette nouvelle génération qui conjugue professionnalisme, fierté identitaire et élégance naturelle.

Une vocation révélée… l’éclosion d’un talent

Originaire du village de Tirourda, dans la commune d’Ifarhounène au cœur des montagnes de Tizi Ouzou, Souhila Mohandi appartient à cette génération de femmes algériennes qui ont grandi dans l’adversité mais ont choisi l’émancipation. Orpheline de père à l’âge de deux ans, elle est élevée entre les silences du deuil et la force tranquille d’une mère seule, femme de courage et de principes, qui transmet à ses enfants les valeurs de la dignité, du travail et la fierté d’appartenir à une terre et à une langue.

Très tôt, sa passion pour la scène se manifeste. Galas scolaires, fêtes d’école, prises de parole improvisées : l’enfant timide se transforme en animatrice spontanée dès qu’on lui tend un micro. Son rêve ? Travailler dans le monde des médias, un univers qui l’attire irrésistiblement. Une vocation nourrie par la fascination qu’elle éprouve pour les grandes voix féminines d’expression kabyle sur les ondes de la radio Chaîne II, mais aussi par le parcours inspirant de sa sœur aînée, Nora, journaliste en langue amazighe à la télévision algérienne. Toutes deux incarnent ce qu’elle aspire à devenir : une voix forte, authentique, en résonance avec l’héritage linguistique et culturel amazigh.

Des débuts humbles, mais déterminants. Après l’obtention de son baccalauréat, elle quitte sa région natale pour Alger, afin de poursuivre des études d’Histoire à l’université de Bouzaréah. Mais la passion de l’audiovisuel ne l’a jamais quittée. En parallèle de ses études, elle guette la moindre opportunité.

Ses premiers pas dans le paysage médiatique se font avec discrétion, à travers différentes émissions. Comme beaucoup de jeunes débutants, elle est d’abord sollicitée pour couvrir des événements périphériques : cérémonies locales, plateaux secondaires ou sujets de société peu médiatisés. Des apparitions parfois techniques, souvent invisibles, mais toujours précieuses pour apprivoiser les rouages du métier.

Le chemin est exigeant, parfois ingrat, surtout pour une femme dans un milieu encore dominé par les hommes. Mais la jeune passionnée ne se décourage pas. Elle observe, s’adapte, perfectionne son élocution, affine sa présence. À force de persévérance, elle parvient à se frayer un passage, imposant peu à peu sa signature.

En 2015, elle conçoit et lance sa propre émission sur la chaîne 4 de la télévision algérienne : Tirga Ufnan (Le rêve de l’artiste). Le programme devient rapidement une référence. Il donne la parole aux grandes figures de la chanson amazighe, mais aussi à de jeunes artistes encore méconnus. Le concept est limpide : faire dialoguer les voix du passé avec les promesses de demain.

Grâce à une parfaite maîtrise du verbe et à une connaissance intime de la chanson amazighe, notamment kabyle, elle gagne la reconnaissance et l’estime d’un large public.

Avec une élégance épurée et lumineuse, sublimée par son attachement aux codes esthétiques kabyles — que reflètent avec grâce sa robe traditionnelle et ses bijoux —, le tout dans un décor soigneusement pensé, mêlant symboles identitaires et sobriété visuelle, l’enfant de Tirourda met en valeur tout à la fois l’essence et la noblesse de la femme amazighe. Elle conjugue exigence professionnelle et présence affirmée, offrant à son émission une profondeur et une crédibilité qui résonnent durablement auprès de son audience.

De la télévision aux grandes scènes

Au fil des années, elle devient également une figure incontournable de l’animation artistique. On la retrouve sur les plus grandes scènes : elle présente les concerts de Lounis Aït Menguellet à la Coupole d’Alger, de Allaoua, de nombreux artistes, et plus récemment celui de l’emblématique Amour Abdenour au Dôme de Paris, le 7 juin 2025. Ce concert symbolise son passage à l’échelle internationale. Désormais, le Zénith de Paris et d’autres scènes prestigieuses figurent dans ses projets à venir.

Malgré cette ascension, Souhila Mohandi savoure sa réussite avec modestie, sans jamais se laisser griser. Fidèle à elle-même, elle n’a rien oublié de ses origines ni causes qu’elle porte en elle : ceux de la langue, de la culture amazighe et de la place des femmes dans l’espace public

Une femme, un symbole

Au-delà de son talent reconnu, Souhila Mohandi incarne une figure exemplaire de résilience et de réussite féminine. Son parcours force l’admiration, d’autant qu’il est jalonné d’embûches. Mais à chaque épreuve, elle a su tenir le cap, braver les vents contraires et franchir les marais de l’adversité sans jamais renoncer.

Elle revendique avec fierté les valeurs puisées auprès de sa mère. À son tour mère, elle perpétue ce fil invisible de transmission, tissé d’exigence, de tendresse et d’une profonde conscience du monde. Son socle familial demeure aujourd’hui à la fois sa force, sa joie et sa plus intime source de motivation. Elle peut également compter sur le soutien précieux et les encouragements constants de sa sœur aînée, Nora, véritable complice et pilier professionnel.

Aujourd’hui, solidement installée dans la sphère culturelle et médiatique algérienne, elle incarne bien davantage qu’une simple animatrice. Elle est une voix qui trace la voie, un réverbère pour celles et ceux issus de milieux modestes, qui empruntent le chemin des défis et osent encore croire que l’émancipation peut rimer avec enracinement.

Banoune Hamid

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