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mardi,30décembre,2025

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Refus de la soutenance de la thèse de doctorat de Samir Larabi : ce qu’il faut savoir

Nous reproduisons ci-dessous cette contribution qui analyse en détail les irrégularités juridiques et procédurales ayant conduit au refus de la soutenance de la thèse de doctorat de Samir Larabi. Elle met en lumière les violations des textes réglementaires, les contradictions administratives et les manquements des instances universitaires, afin d’éclairer les enjeux institutionnels soulevés par cette affaire.

Les violations liées à la demande du vice-recteur adressée au Conseil scientifique de la faculté (CSF) au sujet des modifications concernant le contenu de la thèse

Le vice-rectorat chargé de la post-graduation a demandé au Conseil scientifique de la faculté (CSF) « de se prononcer clairement sur le contenu de la nouvelle mouture (modifications) de la thèse du doctorant Samir Larabi quant à sa “soutenabilité”, mouture que le même Conseil avait déjà validée. Suite à cette demande, le CSF a réaffirmé sa validation des modifications apportées par le doctorant, tant sur l’intitulé que sur le contenu de la thèse, et a émis à nouveau un avis favorable pour sa soutenance.

La demande du vice-recteur est illégale pour les raisons suivantes :
Conformément à l’article 45 du décret 03-279, le doyen est le seul habilité à saisir le Conseil scientifique de la faculté (CSF) sur des questions pédagogiques et scientifiques. De plus, l’arrêté interministériel du 24 août 2004 fixant l’organisation administrative du rectorat (Journal officiel n°62 du 26 septembre 2004) ne prévoit pas, dans ses dispositions relatives aux prérogatives du vice-rectorat (article 4), la possibilité pour le vice-recteur de saisir le Conseil scientifique de la faculté concurremment (en parallèle) avec le Doyen.

De même, le fait pour le vice-recteur d’agir en dehors de ses prérogatives en demandant au Conseil scientifique de la faculté CSF) de revoir son avis constitue également une transgression manifeste de la note ministérielle n°1500/SG/2019 du 25 décembre 2019 relative aux travaux des instances scientifiques. En effet, cette note reconnaît aux responsables administratifs concernés la possibilité de demander aux instances scientifiques de revoir leurs avis non conformes à la réglementation, tout en précisant que cela doit se faire « dans les limites des prérogatives desdits responsables ».

Enfin, selon l’article 9 de l’arrêté fixant les modalités de fonctionnement du Conseil scientifique de l’université et l’article 4 de l’arrêté de 2004 fixant l’organisation administrative du rectorat, la seule mission confiée aux vice-recteurs, en ce qui concerne les instances scientifiques, se limite à assurer « le secrétariat du Conseil scientifique de l’université » et à « en conserver l’archive ».

En somme, le vice-recteur n’est pas doté du pouvoir d’injonction à exercer sur les instances scientifiques.

L’illégalité de la saisine du Conseil scientifique de l’Université par le recteur au sujet du contenu de la thèse en date du 29 mai 2025

Le Conseil scientifique de l’université, après avoir lu le rapport du recteur, a estimé que le contenu de la thèse du doctorant Samir Larabi « présente un caractère sensible » et qu’il est « contraire aux valeurs consacrées par la Constitution, notamment celles énoncées à l’article 9 ». Par conséquent, le Conseil scientifique a décidé que ladite thèse « ne saurait faire l’objet d’une soutenance ».

Le fait pour le recteur de saisir le Conseil scientifique de l’université au sujet du thème d’une thèse de doctorat constitue une transgression de l’article 45 du décret 03-279 précité, qui prévoit expressément que la validation des thèmes de recherche de post-graduation (doctorat) relève de la compétence du Conseil scientifique de la faculté. Cela constitue également une violation de la note ministérielle n° 1500/SG/2019 précitée qui rappelle aux responsables administratifs la nécessité de veiller au respect du champ de compétence réglementaire de chaque instance scientifique.

Par ailleurs, cette même note précise dans son point n° 4 que la possibilité pour les responsables administratifs de demander aux instances scientifiques la révision des avis non conformes à la réglementation doit s’exercer dans le respect des prérogatives de ces dernières.

L’illégalité de la démarche suivie par le Conseil scientifique de l’Université

Même en supposant (hypothèse) que le Conseil scientifique soit habilité à statuer sur la soutenabilité du thème de la thèse du doctorant Samir Larabi, la démarche qu’il a suivie à cet égard ne s’appuie sur aucune base juridique ou scientifique, en raison des manquements suivants :

1- Le recteur a contesté, auprès du Conseil scientifique de l’université, la décision du Conseil scientifique de la faculté qui avait validé les modifications exigées par le vice-recteur. Cela laisse entendre que le recteur considère que les modifications n’ont pas été effectuées. Par conséquent, le Conseil scientifique de l’université aurait dû se limiter à vérifier si les modifications exigées avaient effectivement été apportées. Or, le Conseil a statué sur une autre question qui n’a pas été préalablement soulevée et qui relève de la compétence des instances judiciaires, à savoir l’atteinte aux valeurs constitutionnelles.

2- Les demandes contradictoires du rectorat : le recteur a formulé deux demandes contradictoires. D’une part, il a demandé, par le biais du vice-recteur, de modifier une quarantaine de pages consacrées à la déconstruction des fondements théoriques du MAK. D’autre part, il a lui-même requis le refus de la soutenance de la thèse ! (Voir les PV du CSF et du CSU)

3- Le Conseil scientifique de l’université a rejeté la soutenabilité de la thèse de Samir Larabi sans l’avoir consulté. En effet, le procès-verbal de la réunion du Conseil indique clairement que ce refus repose uniquement sur le rapport du recteur. De plus, le fait que le cas du doctorant Samir Larabi figure sous la rubrique « divers » de l’ordre du jour confirme que les membres du Conseil n’ont pas eu l’opportunité d’examiner le contenu de la thèse qu’ils ont qualifié de « sensible » !

4- Étant donné que le Conseil scientifique de l’université n’est pas habilité à statuer sur les thèmes de doctorat, il aurait dû suspendre l’examen du cas de Samir Larabi et mettre en place « une commission ad hoc », conformément à l’article 11 de son règlement intérieur. Cette commission, composée d’experts dans le domaine concerné, aurait eu pour mission d’évaluer de manière objective et approfondie la situation en examinant les documents des deux parties, à savoir le rapport du recteur, la thèse en question, ainsi que les explications fournies par le doctorant. L’objectif de cette commission aurait été de vérifier si les modifications exigées par le vice-recteur avaient été effectivement réalisées et d’évaluer si le contenu de la thèse pouvait être considéré comme « sensible » et « contraire aux valeurs consacrées par la Constitution ».

En fonction des conclusions de cette commission ad hoc, le Conseil aurait pu alors :

  • soit accorder une autorisation de soutenance, si les modifications étaient jugées satisfaisantes et le contenu acceptable,
  • soit émettre un avis défavorable, en précisant clairement les passages ou développements à modifier ou à supprimer.

Si cette approche avait été adoptée par le Conseil scientifique de l’université, ce faux problème aurait pu être résolu de manière constructive, ce qui aurait évité sa dramatisation inutile qui nuit tant au doctorant qu’à l’université.

L’illégalité des motifs de refus de la soutenabilité de la thèse :

Le Conseil scientifique a justifié sa décision portant refus de la soutenance de la thèse du doctorant Samir LARABI en invoquant que son contenu est « sensible » et contraire aux « valeurs consacrées par la Constitution, notamment son article 9 », ainsi qu’à l’article 52 du décret 98 relatif à la formation doctorale et à l’article 5 bis du décret 24-103 modifiant le décret 08-130 portant statut particulier de l’enseignant-chercheur.

Ces motifs sont infondés pour les raisons suivantes :

Quant à la motivation insuffisante de la décision : une décision administrative doit normalement être suffisamment motivée en précisant son fondement juridique (motif de droit) et l’élément matériel de l’acte reproché (motif de fait), afin de permettre à son destinataire de décider ou non de formuler son recours. Or, la décision de refus de la soutenance est motivée en termes généraux et manque de clarté. En effet, le Conseil scientifique a omis de préciser l’élément matériel de l’acte reproché, c’est-à-dire le motif de fait. En d’autres termes, le Conseil n’a pas souligné les passages de la thèse (les développements) qui seraient considérés comme ayant « un caractère sensible » ou comme étant « contraires aux valeurs consacrées par la Constitution ». De plus, le Conseil n’a pas identifié les valeurs constitutionnelles auxquelles le doctorant aurait porté atteinte.

Quant à l’article 9 de la Constitution : la valeur constitutionnelle qui aurait été violée La valeur constitutionnelle que le doctorant Samir Larabi aurait violée, selon le PV du Conseil scientifique de l’université, serait celle de l’unité nationale. Cela est confirmé par les modifications exigées par le vice-recteur sur l’intitulé et le chapitre réservé à l’analyse du « MAK ».

Le fait que le doctorant Samir Larabi aborde la question du MAK ne devrait pas constituer un motif valable pour refuser la soutenance de sa thèse, et ce, pour les raisons suivantes :

1- Dans le chapitre dédié au MAK, le doctorant Samir Larabi a développé une analyse dans laquelle il a déconstruit les fondements théoriques du MAK (mouvement indépendantiste) et conclu que le mouvement berbériste s’inscrit dans une démarche nationaliste chauvine et raciste, contrairement à ce que prétend le MAK. Pour étayer son propos, il s’appuie notamment sur le mouvement Hirak. Une telle analyse ne constitue en aucun cas une atteinte à l’unité nationale. Au contraire, elle est la démonstration sociologique objective de l’article 1er de la Constitution qui prévoit que « l’Algérie est une et indivisible ». De plus, conformément au code pénal, seule l’appartenance au MAK, l’apologie du MAK et les actions en faveur de celui-ci sont interdites. Or, aucun de ces actes n’est contenu dans l’analyse produite par le doctorant sur le MAK.

2- Les idées exprimées par le doctorant Samir Larabi concernant le MAK résonnent avec celles de divers acteurs, qu’ils soient de l’opposition ou pro-pouvoir. Sauf que le doctorant Samir Larabi n’a pas attendu le feu vert (la classification du MAK et les récents événements) pour formuler ses analyses sur ce mouvement. Ses interventions et sa production scientifique antérieures en témoignent.

3- Les modifications exigées (suppression du chapitre consacré au MAK et la reformulation de l’intitulé) ont été réalisées, bien que les éléments à modifier ne portent pas atteinte à l’unité nationale. En effet, l’intitulé initial, « mouvements berbères en Kabylie : entre demande d’intégration et velléités indépendantistes », a été remplacé par « les formes d’organisation des mouvements sociaux en Kabylie ».

Quant à l’article 52 du décret exécutif n° 98-254 relatif à la formation doctorale : L’article 52 auquel le Conseil scientifique de l’université s’est référé pour refuser la soutenance du doctorant Samir Larabi précise que « l’objet d’une thèse en vue du doctorat est de consacrer les capacités du candidat à réaliser un travail de recherche original, de niveau appréciable et de contribuer de façon significative à la résolution des problèmes spécifiques technologiques et socio-économiques ». En se référant à cet article, le Conseil semble insinuer que la thèse ne répond pas à l’exigence de traiter un problème social pertinent. Un tel motif est infondé, car en analysant le MAK – en déconstruisant ses prétendus fondements théoriques –, le doctorant Samir Larabi contribue à une meilleure compréhension d’un problème sociétal, ce qui s’inscrit parfaitement dans les objectifs d’une thèse tels que définis dans l’article 52 précité. Ainsi, rejeter une thèse sous prétexte qu’elle aborde le MAK revient à dire que ce mouvement ne représente pas « un problème ». Or, si tel était le cas, pourquoi les autorités publiques se mobilisent-elles pour y faire face ?

Quant à l’article 5 bis du décret n° 24-103 du décret exécutif modifiant et complétant le décret exécutif 08-130 : À préciser au préalable qu’il ne s’agit pas ici de l’article 5 bis du décret exécutif 24-130, mais bien de l’article 5 bis du décret exécutif 08-130. De plus, les dispositions de cet article s’appliquent exclusivement aux enseignants-chercheurs, et non aux doctorants, ce qui exclut la possibilité de s’y référer pour justifier le refus de la thèse en question.

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