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Printemps berbère : Mhamed Rechidi, le révolutionnaire de la basse Casbah

Mhamed Rechidi fait partie des 24 détenus du Printemps berbère d'avril 1980. Photo DR

Nous publions ci-dessous un témoignage de Adel Abderezak sur le militant qu’était Mhamed Rechidi, le fameux arabophone qui faisait partie des 24 détenus du Printemps berbère d’avril 1980.

Le témoignage sur le parcours militant de Mhamed Rechidi, l’un des détenus d’avril 1980, a été publié la première fois en 2022 à l’occasion de la célébration du Printemps berbère.

Mhamed Rechidi revient à nos mémoires en ce 20 avril 2022. Il aurait eu 67 ans ce mois de Mars. Il fait partie de cette génération, la mienne, qui a vécu la militance politique et syndicale dans l’adversité d’un pays sous régime autoritaire où dictature ne cohabite pas avec pluralisme politique ou syndical et encore moins avec la promotion de la culture berbère.

Boumediene est passé par là, Chadli, Nezzar et Bouteflika ont maintenu le cap avec une dose de répression et de violences politiques qu’on ne peux pas oublier. Tous les acquis démocratiques ont été le résultat de luttes, de sacrifices, de martyrs. Mhamed y a apporté ses convictions, son engagement, sa militance et la… prison.

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D’abord étudiant, il a été un activiste très craint car sa parole marquait les étudiants. Son aura et leadership, conjugués à un activisme sincère et combatif, permettaient au mouvement étudiant algérois d’emprunter le chemin de l’autonomie syndicale à travers la coordination étudiante des comités autonomes. Cette expérience sera reprise en 1987 à Alger, à Constantine et à Oran et réexpérimentée après Octobre 1988.

Mhamed sera particulièrement actif avec le Printemps 1980 où les étudiants d’Alger, Tizi, Bougie et Bouira lance un mouvement revendicatif autour de l’identité culturelle berbère. Accusé de subversion contre l’Etat, Mhamed Rechidi fera partie des 24 détenus de Berrouaghia du Printemps berbère. C’était « l’arabe » qui défendait la culture amazighe prouvant que c’était une question nationale et pas seulement kabyle.

Mhamed intègre le Groupe communiste révolutionnaire (GCR), organisation marxiste révolutionnaire, devenue Parti socialiste des travailleurs (PST) après la légalisation, qui œuvrait dans la clandestinité pour un projet socialiste et anticapitaliste.

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Convaincu que les travailleurs et les étudiants doivent se libérer des chaînes d’une oppression aussi bien socioéconomique qu’identitaire car seules les libertés et une émancipation sociale de classe pouvaient faire des Algériens.es des sujets de leur propre histoire. C’est dans ce cadre qu’on a partagé une militance politique et organique très féconde.

Mhamed s’accommodait difficilement avec les rigueurs contraignantes de la clandestinité car sa culture populaire produit de la basse Casbah où il est né et son côté agité, activiste était plus fort. Mhamed, de par son ancrage populaire, sentait le vent de la colère chez les masses.

Ce n’était pas un bureaucrate d’appareil ni un intello de labo. Ses appréciations dans les débats politiques traçaient la direction des actions militantes. Il a même vécu une courte expérience syndicale avec l’UGTA quand il travaillait dans le secteur des finances.

Pour s’éloigner de la pression de la répression début 1980 je crois, il descend sur Constantine quelques jours puis au sud. Il est « comme un poisson dans l’eau ». Se faire plaisir n’était pas contradictoire avec les questions de sécurité. Sourire et simplicité, audace et humilité, c’était aussi cela Mhamed.

Je l’ai retrouvé à Paris en 1982 bien impliqué dans tout ce qui concernait l’Algérie. Il a autant participé à réactiver les militants algériens de Paris au sein de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), comme il a essayé de cristalliser une dynamique militante autour de Benbella et son mouvement le MDA.

Il était aussi de toutes les causes politiques et son radicalisme révolutionnaire ne lui faisait occulter aucune cause, y compris le combat des féministes, LGTB ou la solidarité palestinienne qui lui tenait particulièrement à cœur.

Mhamed a mis sa jeunesse et sa vie au service des idéaux humanistes qui sont toujours d’actualité. Il aurait été d’une grande utilité et efficacité pour le hirak algérois tant son personnage s’y colle profondément.

Mhamed aura été un repère pour la gauche révolutionnaire algérienne comme il a été leader étudiant qui a tracé la voie du syndicalisme étudiant autonome avec feu Osmane Redouane, autre compagnon de lutte.

Qu’il repose en paix et que son parcours militant garde une traçabilité vivante pour les générations hirakistes et posthirakistes en luttes.

Adel Abderezak

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