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vendredi,28novembre,2025

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Nicolas Cadène alerte sur la stigmatisation des musulmans : « L’islam, une obsession française »

Le débat autour de l’islam, des musulmans et de la laïcité continue de fracturer la société en France, alerte Nicolas Cadène.

Dans un entretien accordé au média indépendant Blast, Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité (2013–2021) et aujourd’hui directeur de La Vigie de la laïcité, dénonce une dérive inquiétante : la multiplication en France de mesures politiques visant spécifiquement les musulmans et l’islam, au mépris des principes constitutionnels.

Cadène réagit au rapport récemment présenté par des sénateurs Les Républicains. Celui-ci propose une série de restrictions : interdiction du port du voile pour les mineurs de moins de 16 ans, interdiction du jeûne du Ramadan pour cette tranche d’âge, neutralité obligatoire dans les écoles et clubs sportifs, traçabilité des financements étrangers des mosquées, auditions des futurs époux avant mariage à l’étranger, ou encore obligation de neutralité pour certains élus.

Pour Cadène, ces mesures ne sont pas seulement excessives : elles sont contraires à l’esprit même de la laïcité. « La laïcité, c’est d’abord une liberté », rappelle-t-il. Elle garantit la séparation entre l’État et les organisations religieuses, et assure l’égalité de traitement de tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions. Or, en ciblant une seule religion, ces propositions instaurent une discrimination institutionnelle.

Une focalisation sur les femmes musulmanes

L’attention particulière portée au voile, notamment celui des mineures, illustre selon Cadène une obsession française. Laurent Wauquiez, chef des députés Les Républicains, a récemment suggéré d’interdire le voile aux mineures dans l’espace public.

Pour l’ancien rapporteur, cette fixation s’explique par un faisceau de facteurs : la sécularisation profonde de la société, le poids du passé colonial, la polarisation sociale, les attentats islamistes des années 2010, mais aussi la faible mixité dans les quartiers.

« Tout est mélangé : peur de la religion, héritage colonial, radicalisation minoritaire et fantasmes politiques », analyse-t-il. Dans ce contexte, les femmes musulmanes deviennent les principales cibles, transformées en boucs émissaires d’un malaise national.

Une parole publique de plus en plus virulente

Cadène observe une évolution inquiétante : « Nous assistons aujourd’hui à une parole virulente contre les Français de confession musulmane, y compris sur les médias de service public, ce qui était inconcevable il y a cinq ans. » Les amalgames se multiplient, les discours se durcissent, et la banalisation des propos discriminatoires s’installe.

Il critique également le rapport sénatorial, qu’il juge idéologique et biaisé. Les références au financement étranger, notamment par les Émirats arabes unis, reposent selon lui sur des méthodes fragiles et des sondages peu rigoureux. « Ce sont des mesures buzz, liberticides et dangereuses pour la cohésion nationale », insiste-t-il. Loin de résoudre les problèmes, elles alimentent le repli communautaire.

Le rôle des politiques et des médias

Pour Cadène, la responsabilité incombe aussi aux responsables politiques et aux médias. Dans une société fragilisée, les discours alarmistes trouvent un terrain fertile. « Les émotions parlent avant la raison », souligne-t-il, et certains acteurs n’hésitent pas à instrumentaliser ces peurs pour des gains électoraux.

Il dénonce une instrumentalisation identitaire de la laïcité : une tentative de réécrire l’histoire pour en faire un outil de domination d’une majorité fantasmée sur des minorités. Une dérive qui trahit l’esprit de la loi de 1905, laquelle garantit l’égalité de tous devant la loi.

Une stigmatisation inscrite dans l’histoire

Selon Cadène, la stigmatisation des musulmans s’inscrit dans une continuité historique. « Les ennemis changent, mais le mécanisme reste le même. Hier c’étaient les juifs, aujourd’hui ce sont les musulmans. » Refuser cette répétition mortifère est, pour lui, une condition essentielle à la préservation de la cohésion nationale.

Engagement personnel malgré les menaces

Son combat pour une laïcité fidèle à ses principes lui a valu de nombreuses attaques, y compris des menaces de mort.

« J’ai été attaqué parce que je défendais simplement le droit et l’histoire de la laïcité », confie-t-il. Aujourd’hui, bien qu’il n’occupe plus de poste officiel, il poursuit son engagement en tant que formateur et militant. Ses projets se concentrent sur la solidarité et la pédagogie autour des faits religieux.

Face à une France traversée par les crises et les peurs, Nicolas Cadène appelle à un retour à la raison. Pour lui, la laïcité doit rester un outil d’égalité et de cohésion, et non un instrument de division ou de calcul électoral.

Son message est clair : protéger la liberté de conscience et refuser la stigmatisation sont des conditions indispensables pour préserver le vivre-ensemble.

Synthèse Samira B. Briki

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