Chaque 21 juin, la musique envahit les rues de France et bien au-delà. Cette année encore, la Fête de la musique a tenu ses promesses en matière d’ambiance… mais a aussi été marquée par des violences qui interrogent.
Depuis son lancement officiel le 21 juin 1982, la Fête de la musique est devenue un rituel estival profondément ancré dans les habitudes françaises. Instaurée par Jack Lang, alors ministre de la Culture, et Maurice Fleuret, directeur de la musique et de la danse, cette célébration a vu le jour dans l’élan de la Fête de la jeunesse et de la musique organisée en 1981 par André Henry, ministre du Temps libre. Elle s’inspirait déjà d’un concert géant donné place de la République à Paris, réunissant Jacques Higelin, Téléphone et plus de 100 000 personnes.
Une célébration mondiale et populaire
Quarante-trois ans plus tard, cette initiative française s’est transformée en un événement d’envergure planétaire. En 2014, plus de 120 pays sur les cinq continents avaient déjà adopté cette manifestation festive, de l’Europe à l’Amérique latine, en passant par l’Afrique et l’Asie. Le choix du 21 juin, jour du solstice d’été, renforce la dimension symbolique : célébrer la musique à l’occasion du jour le plus long de l’année, en lien avec des traditions anciennes comme les fêtes de la Saint-Jean ou les Nuits blanches des pays nordiques.
Partout, les rues se transforment en scènes ouvertes, les places en pistes de danse, les bars en mini-concerts. À Paris, ville de lumière, les foules se sont pressées dans tous les quartiers : du Marais à Belleville, de Saint-Michel à la Villette. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, toutes origines confondues : c’est un brassage humain qui se met à vibrer au rythme des sons électro, rock, jazz, raï, rap, kabyle ou classique. Une parenthèse enchantée dans un monde souvent inquiet, morose, voire fragmenté.
Des ombres au tableau
Mais cette fête populaire, censée unir et exalter la joie, a été ternie par une série d’incidents préoccupants. Le ministère de l’Intérieur a dressé un bilan alarmant : 371 interpellations et 305 gardes à vue ont été enregistrées à travers le pays pour divers délits. Si certains débordements sont devenus tristement habituels à l’occasion de grands rassemblements, d’autres faits ont provoqué une vive inquiétude.
Parmi eux, le retour inquiétant des piqûres sauvages. Pas moins de 145 victimes – essentiellement des jeunes femmes – ont signalé avoir été piquées à leur insu lors de la soirée, aussi bien en métropole qu’en Outre-mer. Selon certaines sources, plusieurs d’entre elles ont été dirigées vers des centres hospitaliers afin de subir des analyses toxicologiques. Ce phénomène, apparu lors d’événements festifs ces dernières années, demeure difficile à expliquer et à sanctionner, faute d’identification rapide des auteurs.
Le bilan humain est également lourd : 1477 personnes ont été légèrement blessées, 14 gravement touchées, parmi lesquelles trois membres des forces de l’ordre. Les pompiers, eux, sont intervenus sur 51 feux de véhicules et 39 départs de feu sur la voie publique.
Une fête de la musique à préserver et… à sécuriser
Si la Fête de la musique reste un événement fédérateur, elle interroge aujourd’hui sur sa sécurité. Comment maintenir son esprit d’ouverture tout en assurant la protection des participants ? Comment éviter qu’elle ne devienne, pour certains, un prétexte à la violence ou aux agressions ? Autant de questions qui devront être posées si l’on veut que cette fête populaire reste une célébration universelle, joyeuse, et non un rendez-vous à haut risque.
En attendant, la musique, elle, continue de résonner, plus forte que les tensions ambiantes.
Hamid Banoune