Ahmed Ait Bachir confirme son rôle de figure clé dans la culture kabyle avec l’ouvrage Tidak n tejmaɛt, ce recueil de chroniques populaires tirées du patrimoine.
Tidak n tejmaɛt, puisé directement dans la réalité sociale du terroir et édité aux Éditions Kabylie, marque la pleine affirmation de l’auteur Ahmed Ait Bachir en tant que collecteur et archiviste du patrimoine populaire kabyle. Son talent réside dans la prouesse de concilier la subtilité et la saveur de la tradition orale avec la rigueur grammaticale de l’écrit.
Son œuvre transcende la simple activité littéraire pour devenir un acte de résistance et de pérennité. En mettant à l’écrit ce corpus linguistique jusque-là confiné à l’oralité, Ait Bachir sauve ces richesses culturelles de l’oubli, s’inscrivant dans la succession des grands noms de la littérature berbère. Le livre est désormais un outil pédagogique d’une grande utilité pour les élèves berbères, facilitant la redécouverte de leur langue maternelle. Ce travail prouve de manière éclatante que le foyer de création reste un lieu vibrant de préservation et de création culturelle, renforçant la conviction que la résistance des peuples passe par la durabilité de leurs langues et de leurs cultures.
Ahmed Ait Bachir est une figure dont l’engagement se manifeste avec une double profondeur, puisant dans son riche vécu pour servir la cause de la culture kabyle. Il est le dépositaire d’une expérience culturelle et anthropologique d’une grande densité humaine, une connaissance intrinsèque du terroir qu’il met au service de la littérature. Cet engagement littéraire est le prolongement naturel de son action antérieure, car il a d’abord œuvré sur les terrains social et politique, une lutte qui a nourri sa conscience de la nécessité de préserver l’identité face à la déperdition et à la menace de l’oubli. Son initiative littéraire a d’ailleurs commencé par un acte d’hommage et de transmission avec Tudert-iw, la version kabyle de l’autobiographie de Fadhma Aït Mansour Amrouche, Histoire de ma vie, offrant ainsi à la nouvelle génération un texte fondateur dans leur propre langue et honorant les femmes de Kabylie.
De la traduction à la collecte : un parcours littéraire engagé
Poursuivant cette mission, il s’est ensuite affirmé comme collecteur avec le recueil Tidak n tejmɛat (Timkudin tiseklawin), un ensemble de récits du terroir qui, sous le mode de l’humour populaire kabyle, réalise un travail de collecte et de narration d’un patrimoine littéraire et anthropologique. Cet ouvrage concrétise la fixation et la transmission d’un corpus linguistique et littéraire auparavant confiné au statut de la tradition orale. Ahmed Ait Bachir manie le parler kabyle avec une telle maîtrise qu’il parvient à rapprocher la saveur de l’oralité à la rigueur grammaticale de l’écrit, faisant de son livre un outil essentiel pour les élèves berbères dans leur redécouverte de la langue maternelle.
En s’inscrivant dans les rangs des grands auteurs qui luttent pour éviter que l’héritage linguistique ne soit « voué à l’oubli et à la disparition », Ahmed Ait Bachir confirme son rôle d’acteur majeur dans la sauvegarde de la culture kabyle, prouvant que les peuples « résistent et persistent d’abord par la continuité de leurs langues et de leurs cultures ».
L’entreprise d’Ahmed Ait Bachir, loin d’être un hasard, a été inaugurée par un geste résolu de transposition, qui a solidement établi les fondations de son rôle en matière de préservation culturelle. Son premier ouvrage marquant, Tudert-iw, est la traduction en langue kabyle du récit autobiographique essentiel de Fadhma Aït Mansour Amrouche, Histoire de ma vie. Ce travail s’est avéré être bien plus qu’une simple transposition linguistique ; il fut un acte profond d’hommage. En traduisant ce texte en kabyle, Ait Bachir a cherché à honorer non seulement Fadhma Aït Mansour Amrouche, figure pionnière, mais aussi, et plus largement, à adresser un « modeste hommage » à « toutes les femmes anonymes qui ont souffert en silence », reconnaissant ainsi la souffrance et la résilience qui caractérisent le patrimoine féminin kabyle. Grâce à sa parfaite maîtrise de la langue et à sa profonde connaissance de l’imaginaire kabyle, Ait Bachir a réussi le défi d’insuffler à sa version toute l’« âme kabyle » de ce récit poignant. Cette approche a eu un impact crucial : elle a rendu ce texte fondamental du patrimoine littéraire amazigh accessible aux nouvelles générations dans leur langue d’héritage.
Par Tudert-iw, Ahmed Ait Bachir a clairement défini sa mission : œuvrer à la durabilité de la langue en la dotant de ses textes fondateurs, un engagement qu’il a magnifiquement poursuivi en devenant chroniqueur d’oralité avec son second ouvrage, Tidak n tejmɛat.
Après avoir accompli cette contribution essentielle que fut la transposition du récit fondateur de Fadhma Aït Mansour Amrouche (Tudert-iw), Ahmed Ait Bachir a marqué une progression significative dans son initiative littéraire en signant Tidak n tejmaɛt (Timkudin tiseklawin). Ce livre est la matérialisation de son passage du rôle de traducteur à celui de collecteur et narrateur du patrimoine populaire.
L’humour kabyle comme vecteur de mémoire
Tidak n tejmɛat est un recueil de courtes narrations qu’il avait, dans un premier temps, partagées sur Internet, notamment via Facebook. L’ouvrage puise sa substance directement dans la réalité sociale de la communauté montagnarde, offrant ainsi des « pépites anthropologiques et littéraires ». L’auteur réalise la prouesse d’allier le mode de l’humour populaire kabyle à un fond dense et riche, tant du point de vue sociologique que littéraire et linguistique. C’est dans sa méthode que réside la valeur du travail d’Ait Bachir : en s’attachant à transcrire ces récits « dans leur jaillissement originel, c’est-à-dire en langue kabyle et dans l’esprit et le contexte villageois », il réalise un travail fondamental de mise à l’écrit et de transmission d’un corpus linguistique et littéraire qui était jusque-là majoritairement confiné à l’oralité. Il démontre ainsi la vitalité du terroir comme foyer de création culturelle, tout en assurant la pérennité de ces récits face à l’oubli.
L’ouvrage Tidak n tejmɛat (Timkudin tiseklawin) est encadré par deux préfaces significatives, celle de Saïd Doumane rédigée en langue française et celle de Farid Benmokhtar écrite en langue kabyle. La présence de ces deux introductions souligne immédiatement la portée double du livre, à la fois dans son contexte culturel d’origine et dans sa reconnaissance au-delà de celui-ci. Elles mettent en lumière l’importance capitale de ce travail qui, selon lui, dépasse largement le simple loisir.
Doumane et Benmokhtar perçoivent l’auteur, Ahmed Ait Bachir, comme réalisant un travail de collecte et de narration d’un patrimoine littéraire et anthropologique de grande portée civilisationnelle. Cette dimension est cruciale car elle érige l’ouvrage en document de sauvegarde. Le talent d’Ait Bachir, tel que souligné, réside dans sa capacité singulière à marier l’humour populaire kabyle, omniprésent dans ses anecdotes, à une expression écrite rigoureuse. Ahmed Ait Bachir réussit l’exploit de concilier la subtilité et la saveur inhérentes à la tradition orale avec la rigueur grammaticale et le génie sémantique propres à l’expression écrite, réussissant une prouesse essentielle pour la transcription d’une langue traditionnellement orale. Ce faisant, il ne fait pas qu’écrire des histoires ; il contribue à la consignation et à la transmission d’un corpus fondamental qui était jusque-là confiné à un espace montagnard restreint.
L’impact de l’ouvrage Tidak n tejmɛat est d’une portée significative et essentielle pour la culture kabyle. Le livre assure la fixation du patrimoine, en transcrivant les chroniques populaires, il participe activement à la consignation et à la transmission d’un corpus linguistique et littéraire qui était, jusqu’alors, majoritairement confiné à l’oralité. Cette approche est cruciale car elle permet de pérenniser un héritage qui risquait la déperdition dans un contexte de transition culturelle. Ce recueil s’impose comme un outil pédagogique indispensable. Dans la dynamique actuelle du passage à l’écrit et de l’enseignement de la langue berbère, notamment de sa variante kabyle, le livre est considéré comme étant d’une grande utilité pour les lecteurs. Plus spécifiquement, il est précieux pour les élèves berbères dans leurs exercices d’apprentissage et de (re)découverte de leur langue maternelle et de leur imaginaire culturel. L’ouvrage constitue un véritable acte de lutte contre l’oubli. En inscrivant ces récits dans la durée par la publication, l’auteur œuvre contre la disparition de cet héritage linguistique. Ahmed Ait Bachir s’inscrit ainsi résolument dans la lignée des grands auteurs (comme la famille Amrouche ou M. Mammeri) qui ont lutté pour la sauvegarde de la langue.
Une langue sauvée par l’écrit
L’apport de l’œuvre d’Ahmed Ait Bachir, notamment avec Tidak n tejmɛat, est d’une portée civilisationnelle immense, car il touche à l’essence même de la durabilité d’une culture. En entreprenant le travail de collecte, de transcription et de publication des récits du terroir, l’auteur ne fait pas que divertir ; il réalise un travail fondamental d’archivage et de légitimation. La civilisation kabyle, dont une grande partie du patrimoine reposait sur la tradition orale, risquait la déperdition. En archivant ce corpus à l’écrit, Ait Bachir s’inscrit dans le mouvement qui assure la transmission de la langue au-delà des générations et des frontières géographiques. Il contribue ainsi à doter la culture berbère d’un corpus littéraire moderne ancré dans son propre terroir, prouvant la richesse et la profondeur sociologique et historique de son expérience culturelle. C’est un acte qui confère une dignité et une place durable à l’héritage linguistique et narratif du peuple kabyle sur la scène civilisationnelle mondiale.
L’auteur est salué pour avoir réalisé un travail de collecte et de narration d’un patrimoine littéraire et anthropologique de grande portée. En consignant par écrit ces anecdotes qui étaient jusqu’alors confinées à l’oralité, il s’inscrit directement dans la grande épopée de sauvegarde de la culture kabyle et berbère en général. C’est une initiative cruciale, car elle repose sur la conviction que les peuples résistent et persistent d’abord par la continuité de leurs langues et de leurs cultures. L’ouvrage se dresse comme un rempart essentiel contre l’oubli, car le préfacier souligne avec force que le patrimoine non consigné par écrit, et idéalement non publié, est irrémédiablement voué à la disparition. Au-delà de la conservation pure, le recueil a un impact pédagogique essentiel.
Dans le contexte actuel de passage à l’écrit de la langue berbère et de son enseignement, Tidak n tejmɛat est considéré d’une grande utilité pour les élèves berbères. Ce livre leur permet un exercice concret d’apprentissage et de (re)découverte de leur langue maternelle et de leur imaginaire culturel. En unissant la saveur de la tradition orale à la précision formelle de l’écrit, Ahmed Ait Bachir fournit une ressource vivante qui revalorise le terroir non plus comme un lieu d’isolement, mais comme un foyer de préservation linguistique et de création culturelle. Son œuvre pérennise l’héritage, le rend accessible et légitime le patrimoine vernaculaire face à l’hégémonie de la culture urbaine et écrite.
L’œuvre d’Ahmed Ait Bachir, dans son ensemble, se révèle être une contribution essentielle et cohérente à la vitalité de la culture kabyle, quel que soit le genre littéraire qu’il choisit d’aborder.
Le terroir comme foyer de résistance culturelle
Son approche se caractérise par une double méthode qui, loin de se contredire, se complète pour assurer la transmission du patrimoine. D’une part, avec l’acte de traduction (Tudert-iw), il a ancré un texte littéraire fondamental dans la langue d’héritage. Il a ainsi validé la capacité du kabyle à porter des récits complexes et profonds, tout en offrant aux nouvelles générations un accès direct à un pan essentiel de leur mémoire culturelle. D’autre part, son passage à la collecte et à la narration (Tidak n tejmɛat) est venu enrichir le corpus en fixant les éléments éphémères de la tradition verbale populaire. Ces récits du terroir, puisés dans la réalité sociale de la communauté montagnarde, prouvent que le kabyle est une langue non seulement capable de porter l’Histoire, mais aussi de créer l’humour, la finesse et l’anthropologie au quotidien. En conjuguant la rigueur de l’écrit avec la saveur de la tradition orale, Ait Bachir agit comme un passeur culturel, inscrivant la résistance culturelle dans un format accessible et pédagogique. Son travail démontre ainsi que la langue kabyle est une langue complète, capable de traduire les expériences universelles et de fixer les anecdotes locales, assurant ainsi sa durabilité et sa légitimité en tant que langue de littérature et d’enseignement.
Le rôle d’Ahmed Ait Bachir dans la culture kabyle se définit par une cohérence d’engagement manifestée à travers deux gestes littéraires fondamentaux, qui le placent au cœur de la dynamique de passage de la langue berbère à l’écrit. D’un côté, il y a la traduction de l’œuvre d’une icône : Tudert-iw. En transposant le récit autobiographique essentiel de Fadhma Aït Mansour Amrouche, l’auteur n’a pas seulement rendu un hommage aux femmes kabyles ; il a surtout assuré l’ancrage d’un texte littéraire majeur dans la langue d’héritage. Cette méthode est cruciale car elle légitime le kabyle comme une langue capable de porter l’Histoire, la complexité psychologique et l’expérience individuelle sur le même pied que les langues dominantes. Elle offre aux nouvelles générations un texte fondateur directement accessible dans leur langue.
De l’autre côté, son second ouvrage, Tidak n tejmɛat, est un acte de collecte de récits populaires. Il s’attaque ici à la transcription de l’oralité éphémère du terroir, ces anecdotes et courtes narrations qui constituent la sève de la vie sociale du village. En archivant ce corpus vernaculaire, Ait Bachir lutte contre la disparition de la mémoire collective. Il utilise son talent pour rapprocher la saveur de la tradition orale à la rigueur de l’écrit, prouvant que le kabyle est également apte à l’expression populaire, humoristique et anthropologique. Par cet enchaînement d’œuvres, Ahmed Ait Bachir se positionne comme une figure clé : il enrichit le corpus écrit berbère à la fois par le haut (en intégrant des classiques traduits) et par la base (en sauvant le patrimoine oral spontané), garantissant ainsi une double pérennisation de la langue dans toutes ses dimensions.
Son initiative dépasse largement le cadre d’une simple activité littéraire ; elle s’érige en un véritable acte de résistance et de pérennité pour la culture kabyle. En effet, en mettant à l’écrit ces richesses culturelles, qu’il s’agisse du récit autobiographique traduit ou des anecdotes collectées, il les sauve de l’oubli et du risque d’extinction inhérent à la non-fixation. Le travail d’Ait Bachir prouve de manière éclatante que le village, souvent marginalisé et minoré par les grands centres urbains, ne doit pas être vu comme un lieu dépassé, mais comme un foyer vibrant de préservation et de création culturelle. Il démontre que la vitalité de la culture est préservée au cœur du terroir. En s’inscrivant dans la succession des grands noms (comme les Amrouche, Feraoun et Mammeri) qui ont lutté pour la sauvegarde et la valorisation de la langue, il confirme la thèse fondamentale que la résistance des peuples et leur capacité à persister passent avant tout par la durabilité de leurs langues et de leurs cultures. Son œuvre est, en somme, une contribution capitale à la survie de la civilisation berbère dans un monde qui tend à l’uniformisation.
Brahim Saci
Ahmed Ait Bachir, Tidak n tejmaɛt, Recueil, Éditions Kabylie


