lundi, 13 octobre 2025
DiasporadzCultureOmar Carnot : un demi-siècle de passion, de Cézanne aux lumières d'Alger

Omar Carnot : un demi-siècle de passion, de Cézanne aux lumières d’Alger

L’artiste Omar Saad, connu mondialement sous son pseudonyme Omar Carnot, s’est érigé en figure essentielle de la peinture algérienne contemporaine.

Né le 29 août 1955 à Alger, à une époque charnière de l’histoire du pays, son parcours est intrinsèquement lié à son environnement initial. À travers une œuvre riche s’étendant sur plus d’un demi-siècle, Carnot s’est distingué par sa fidélité passionnée à l’art figuratif, qu’il réhabilite en s’inspirant des maîtres comme Cézanne. De la symbolique poignante des portes fleuries de la Casbah, mémoires d’une enfance, à la lumière dramatique des paysages sahariens, son art est un pont émotionnel entre l’histoire intime et le vaste patrimoine algérien.

Avec une sensibilité résolument tournée vers les émotions du présent. Ayant grandi dans le quartier Carnot (aujourd’hui Didouche-Mourad), une référence si marquante qu’elle est devenue son nom d’artiste, il ancre d’emblée son œuvre dans une identité de lieu forte. Cette enfance passée dans un Alger cosmopolite, marqué par la coexistence pacifique des cultures, a forgé chez lui une double culture qui est la source même de sa richesse créative et de sa nostalgie positive pour le « vivre ensemble », thème récurrent et sous-jacent à toute sa production.

Le parcours d’Omar Carnot est celui d’un autodidacte passionné de peinture dont la pratique et la recherche technique s’étendent sur plus d’un demi-siècle. Sans avoir suivi de formation académique formelle, il a développé une maîtrise technique impressionnante qui lui permet d’explorer une large palette stylistique, allant du réalisme minutieux — il est aussi à l’aise avec l’aquarelle et le fusain — à l’abstraction la plus libre. Sa contribution majeure au paysage artistique algérien réside cependant dans sa nette prédilection pour l’art figuratif, qu’il s’attache à légitimer. Il prouve avec conviction que cet art, parfois jugé classique, peut être un vecteur puissant de mémoire et d’émotion, s’inspirant explicitement de maîtres occidentaux comme Paul Cézanne pour la composition structurée et la gestion de la lumière de ses natures mortes.

L’œuvre d’Omar Carnot, bien qu’elle révèle une maîtrise technique s’étendant du réalisme le plus précis à l’abstraction la plus libre, manifeste une prédilection et un ancrage profond dans des thèmes figuratifs qui font écho à ses souvenirs personnels et à l’héritage algérien. Cette exploration est la clé de voûte de son expression artistique. Au cœur de son travail se déploie une série emblématique dédiée aux portes de la Casbah d’Alger et d’autres cités, des toiles qui transcendent leur simple fonction architecturale pour devenir les réceptacles d’une mémoire d’enfance poignante : celle d’un enfant perdu, réconforté et rendu à sa mère par une vieille dame. Omar Carnot insuffle à ces portes, qu’elles soient historiques ou le fruit de son imagination comme la porte « Zelidj », une profonde charge émotionnelle en les parant systématiquement de fleurs vives et luxuriantes — roses, bougainvilliers — transformant ainsi le souvenir de l’anxiété en une vibrante expression de beauté, de protection et d’une culture transmise par la gentillesse humaine.

Son talent s’exprime avec une égale conviction dans l’hommage à la nature morte, un genre qui lui est cher et pour lequel il revendique l’influence de maîtres tels que Paul Cézanne. Ces compositions sont directement issues des souvenirs d’enfance passés dans la maison de ses parents, où il parvient à restituer la lumière et les couleurs vives des abricots, des grappes de raisins ou des objets familiers, donnant vie sur la toile à des images ancrées avec vivacité dans sa mémoire.

Parallèlement, l’artiste excelle à capturer la lumière intense et les paysages de l’Algérie, offrant un panorama talentueux de scènes de vie et de vues grandioses. Il dépeint avec habileté les ports de plaisance et les phares juchés sur des côtes escarpées, vestiges silencieux de l’époque coloniale, ainsi que l’immensité des paysages sahariens, où la silhouette d’un chameau sous un coucher de soleil incandescent capture l’atmosphère dramatique et les couleurs profondes de la région. Ses compositions florales, débordantes de couleurs éclatantes (coquelicots, anémones, tulipes), rencontrent un succès notable en Algérie, prouvant sa capacité à magnifier le familier et la beauté simple du quotidien.

Une dimension plus apaisée se révèle dans ses tableaux de cygnes flottant sur l’eau. Ces scènes, souvent nichées dans une végétation luxuriante et des plans d’eau calmes, suggèrent une quête de sérénité et d’évasion onirique, offrant un havre de paix qui contraste avec l’intensité mémorielle de ses autres thèmes et témoignant d’une recherche esthétique autour de la pureté et de la tranquillité.

Enfin, loin de s’enfermer dans le figuratif, Omar Carnot intègre l’art abstrait à sa collection. Ces toiles, caractérisées par des textures audacieuses et des compositions géométriques ou fluides, attestent de sa polyvalence et de sa volonté d’explorer la couleur et la forme pour elles-mêmes, ouvrant un dialogue esthétique avec son travail plus narratif.

Son influence et son apport artistique résident dans sa capacité unique à transformer l’histoire et les souvenirs intimes en motifs universels. Sa célèbre série des portes de la Casbah d’Alger est l’illustration la plus emblématique de cet échange entre l’intime et le patrimoine. Ces toiles sont bien plus que des représentations architecturales ; elles sont des portraits émotionnels et des mémoriaux des gestes humains. En ornant ces ouvertures, qu’elles soient historiques ou imaginaires, de fleurs vives et luxuriantes, il transpose le souvenir d’une angoisse d’enfant perdu et réconforté par une vieille dame en une vibrante ode à la gentillesse humaine et à la protection. L’acte de peindre ces portes devient ici un acte de gratitude et de mémoire.

Parallèlement, Omar Carnot magnifie la poésie du quotidien algérien. Ses natures mortes, inspirées par les fruits et l’ambiance domestique de ses parents, sont de véritables études de lumière et de couleur, fixant la vivacité d’images ancrées dans sa mémoire. Il excelle également à capturer la lumière algérienne dans ses paysages : il dépeint avec intensité les paysages sahariens aux couchers de soleil dramatiques, le calme des ports de plaisance, les vestiges de phares sur les côtes escarpées, ou encore la sérénité des cygnes flottant sur des plans d’eau. Son œuvre constitue un inventaire visuel de l’Algérie, accessible et profondément humain, qui personnalise le patrimoine en le fondant sur l’expérience vécue. Ses compositions florales, débordantes de couleurs éclatantes, témoignent de sa capacité à magnifier le familier.

L’impact d’Omar Carnot sur la scène culturelle algérienne est notable par son rôle de fervent promoteur du renouveau de l’art figuratif, lui conférant une légitimité nouvelle dans un contexte artistique diversifié. En mettant en valeur les scènes de la vie quotidienne et le patrimoine, il touche un public large, créant un lien émotionnel fort avec l’identité nationale et la nostalgie. Sa longue carrière fait de lui un véritable passeur. Il transmet une vision où l’art est intrinsèquement lié à l’histoire et aux valeurs humaines, incarnant l’exemple que la maîtrise technique peut être le fruit d’une dévotion inébranlable à l’art, même pour un autodidacte. Même ses incursions dans l’abstrait sont perçues comme un défi personnel et une preuve de son évolution constante. Son apport réside donc dans l’utilisation d’une technique classique pour un propos profondément moderne et personnel, enrichissant la culture algérienne par la célébration de sa mémoire, de sa lumière, et de son patrimoine humain et architectural.

L’œuvre d’Omar Carnot est un véritable pont entre les époques et les styles. À travers ses toiles, il ne se contente pas de représenter des lieux ; il les charge d’une histoire personnelle et collective, transformant la toile en un miroir de l’âme algérienne et de ses aspirations au vivre-ensemble. Qu’il s’agisse de la porte protectrice de la Casbah ou de l’intensité chromatique du désert, Omar Carnot offre une peinture qui est à la fois un hommage fervent à la beauté simple et un témoignage persistant de la mémoire et de la passion qui l’animent depuis plus de cinquante ans. Son influence continuera de se faire sentir comme celle d’un artiste qui a su allier la technique du passé avec une sensibilité résolument tournée vers les émotions du présent.

Brahim Saci

À LIRE AUSSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

LES + LUS

Derniers Commentaires