mardi, 9 septembre 2025
DiasporadzEntretienMoncef Guita : "La culture est une arme pour combattre toute forme d'extrémisme"

Moncef Guita : « La culture est une arme pour combattre toute forme d’extrémisme »

L’artiste Moncef Guita revient dans cet entretien sur la notion de culture et son rôle dans le combat contre l’extrémisme.

Pour Moncef Guita, « multiplier les écoles d’art » et les espaces de culture « revêt un caractère primordial afin de former les enfants, citoyens de demain » et faire face à « toute forme d’extrémisme ».

Originaire d’Annaba, Moncef Guita se passionne très tôt pour le dessin, la sculpture et la peinture tout en menant une brillante carrière scientifique, couronnée par un doctorat en biologie cellulaire.

Cette double culture lui a permis de développer un langage pictural d’une richesse et d’une profondeur rares. En refusant de choisir entre l’abstraction pure et la figuration classique, Moncef Guita a créé une voie médiane où chaque toile devient une carte mentale qui allie le chaos de la ville et l’ordre du vivant.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Diasporadz : Votre parcours est singulier, mêlant une formation en biologie à une carrière artistique. Comment cette double casquette a-t-elle nourri votre approche de la peinture ? Comment la biologie, notamment la notion du vivant et de la matière, se reflète-t-elle concrètement sur vos toiles ?

Moncef Guita : Les études en Biologie permettent d’aiguiser le sens de l’observation de la nature dans son infime intimité – à la limite des moyens technologiques – et d’essayer d’en comprendre les mécanismes de son fonctionnement.

La composition de la matière reflète un équilibre parfait dans l’agencement de ses composants.

Les compositions abstraites, les plus élaborées s’inspirent de celles observées dans une cellule sous un microscope.

La nature est tellement riche qu’elle constitue une source infinie d’inspirations

Diasporadz : Vous qualifiez votre art de « peintusie ». Pouvez-vous nous expliquer ce néologisme et comment vous parvenez à transformer les couleurs et les formes en un langage poétique qui raconte des émotions, des souvenirs ou des réflexions sur le temps ?

Moncef Guita : Peinture, poésie, musique, sculpture ou autres, relèvent d’un même souffle impétueux et d’une « nécessité intérieure » qu’éprouve l’homme pour décrire ou transmettre une vibration, une émotion ou une impression.

Ainsi donc, il dispose de plusieurs moyens d’expression, se saisissant d’un burin, d’une plume, d’un pinceau ou d’un instrument et dont la finalité est absolument unique : transmettre une ÉMOTION.

Selon le moyen utilisé naîtra le graveur, le peintre, le poète ou le musicien.

Ainsi, il y a osmose entre ces diverses expressions qui se complètent et interfèrent entre elles, d’où ce néologisme de « peintuésie » ou de « poéture ».

À LIRE AUSSI
Moncef Guita : l’alchimiste de la matière et de la couleur

Diasporadz : Vos œuvres créent un dialogue entre l’abstraction et la figuration. Pourquoi est-il si important pour vous d’intégrer des éléments figuratifs, comme des visages ou des morceaux de ville, dans un univers qui se veut majoritairement abstrait ?

Moncef Guita : L’intégration d’éléments figuratifs dans des compositions abstraites relève d’un souci artistique et pédagogique.

Il s’agit d’une main tendue à l’observateur pour l’inviter à « entrer » dans la toile, ce qui l’incite à se poser des questions.

C’est là le point de départ d’une éventuelle lecture de déchiffrement de l’œuvre.

Diasporadz : On retrouve dans votre travail des influences diverses, de Paul Klee à des motifs algériens traditionnels. Comment opérez-vous cette fusion entre l’héritage local et les grands courants de l’art moderne pour créer un style qui vous est propre ?

Moncef Guita : Tel un enfant, l’artiste est une « éponge » ou réceptacle attentif aux idées, aux influences et cultures diverses, ouvert sur les vibrations du monde.

De Klee à Issiakhem ou Khadda, il absorbe et métabolise tout ce qu’il reçoit.

Nul ne peut se prévaloir d’être « créateur », et c’est Valéry, je crois, qui affirmait que dans chaque tableau il y a une partie « imitée » et une partie en « puissance » propre à l’artiste.

Picasso n’a pas créé les visages des « Demoiselles d’Avignon » mais s’est inspiré des statues africaines.

Idem pour Kandinsky qui n’a « créé » ni le rouge ni le cercle ni la ligne brisée.

Leur apport génial réside dans la manière d’agencer ces formes « imitées » en les intégrant dans un contexte qui leur est singulier.

Diasporadz : L’utilisation de matériaux organiques comme la terre ou le charbon est une signature de votre travail. Quelle est la signification de cette approche ? Est-ce une manière de réaffirmer votre lien avec la nature ou de donner une dimension supplémentaire à la matière ?

Moncef Guita : L’artiste est toujours à la recherche de techniques et de matériaux divers à même de traduire au mieux ses préoccupations.

Il se saisit de matériaux hétéroclites et fait des essais multiples (cendres, pigments minéraux, pigments organiques, empreintes…), sachant que c’est l’industrie chimique qui met actuellement à notre disposition des produits prêts à l’emploi.

À savoir que les dessins rupestres ont été réalisés avec des pigments naturels et ont traversé des millénaires.

J’utilise à bon escient l’argile ocre de Bouchaoui, à l’instar des Italiens qui utilisent la terre de Sienne, mondialement connue.

Tel peintre japonais peint en utilisant des pattes de divers volatiles : seul le résultat compte !

Tel autre des coquillages moulés afin d’obtenir un blanc laiteux lumineux.

Moncef Guita : « La culture est une « arme » redoutable pour combattre toute forme d’extrémisme, de quelque nature qu’il soit »

Diasporadz : Votre œuvre est reconnue pour sa capacité à être à la fois profonde et accessible. Quel impact espérez-vous avoir sur la scène artistique algérienne, et que souhaitez-vous que la jeune génération d’artistes retienne de votre démarche ?

Moncef Guita : Ce qui prime c’est la nécessité impérieuse de peindre et de s’exprimer tout en restant fidèle à mes convictions.

Le public, et seulement le public saura apprécier et mesurer (ou non) la démarche, sa sincérité et son authenticité.

Diasporadz : Quel est le rôle et la place de l’art, et en particulier de l’abstraction, dans l’Algérie contemporaine, entre l’héritage culturel, les défis sociaux et les nouvelles formes d’expression?

Moncef Guita : Culture et arts sont des bases universelles pour tout développement harmonieux d’une société adoptée à un système éducatif sain, ouvert sur des valeurs morales intemporelles.

Diasporadz : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Moncef Guita : Divers projets : 1- Édition d’un autre recueil de poésie – et un essai pédagogique. 2- Réaliser des sculptures métalliques.

Diasporadz : Un dernier mot peut-être ?

Moncef Guita : La culture est une « arme » redoutable pour combattre toute forme d’extrémisme, de quelque nature qu’il soit.

Multiplier les écoles d’art et les espaces culturels revêt un caractère primordial afin de former les enfants, citoyens de demain. Tel est mon vœu le plus cher !

Entretien réalisé par Brahim Saci

Le site de l’artiste Moncef Guita : www.moncefguita.com

À LIRE AUSSI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

LES + LUS

Derniers Commentaires