Site icon Diaspora Algėrienne

Mohand Ouramdane Larab : « Poursuivre le travail de sauvegarde de notre patrimoine oral »

Mohand Ouramdane Larab patrimoine

Mohand Ouramdane Larab a su se battre pour la sauvegarde du patrimoine oral amazigh. Photo DR

Dans cet entretien, Mohand Ouramdane Larab nous ouvre les portes de son univers, partage ses combats culturels et ses espoirs pour la sauvegarde du patrimoine oral amazigh.

Figure majeure de la scène culturelle amazighe contemporaine, Mohand Ouramdane Larab s’impose comme un protecteur passionné du patrimoine oral et un passeur essentiel de la mémoire collective kabyle.

Dans un pays où les questions identitaires continuent d’alimenter débats et enjeux, Mohand Ouramdane Larab œuvre avec rigueur et sensibilité pour préserver un patrimoine vivant et transmettre aux nouvelles générations les richesses d’un héritage souvent menacé.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Diasporadz :  Qu’est-ce qui vous a poussé à consacrer une grande partie de votre carrière à la collecte et à la valorisation de la poésie orale kabyle ?

Mohand Ouramdane Larab : Effectivement, durant les vingt dernières années, j’ai réhabilité et sauvé les œuvres de plusieurs poètes kabyles, tels que Si Mohand Ou Mhand, Cheikh Mohand Ou Lhocine, Hocine n Adeni, El Hadj Arezki Haouch, Ahmed Lemsiyeh, Si Youcef Oulefki. Dans mon dernier ouvrage, Les Poètes Nat Yiraten, j’ai mis en lumière une vingtaine d’autres poètes. C’est une manière de prolonger le travail de l’illustre Dda Lmouloud At Maamar (Mouloud Mammeri, ndlr), qui a su préserver les derniers textes de la littérature orale kabyle.

Diasporadz :  Comment décririez-vous l’évolution de la place de la langue amazighe dans la société algérienne depuis vos débuts ?

Mohand Ouramdane Larab : Depuis l’officialisation de la langue et de la culture amazighes dans le système scolaire algérien, on constate une évolution notable dans la production littéraire et l’encadrement universitaire. Chaque année, des thèses sont soutenues dans les universités de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira.

De plus, plusieurs salons du livre consacrés à la culture amazighe sont organisés à Ouacifs, Boudjima, Chemini, Aït Yahia, Maâtkas… Plusieurs auteurs amazighophones, tels que Tahar Ould Amar, Arezki Aït Boussad, Linda Koudache, Zohra Aoudia, Rachida Aït Sidhoum, Farida Sahoui et Mohand Akli Salhi, ont été primés.

À LIRE AUSSI
Mohand Ouramdane Larab : Passeur de mémoire et des voix oubliées

Diasporadz : Quels sont les défis principaux auxquels vous avez été confronté pour faire reconnaître et diffuser la poésie traditionnelle kabyle ?

Mohand Ouramdane Larab : Les principales difficultés résident dans l’édition. Il n’est pas facile de trouver des éditeurs intéressés par la poésie. En ce qui me concerne, j’ai pu trouver un terrain d’entente avec mes éditeurs, Firas El Djahmani et les éditions Imtidad, qui soutiennent mes travaux sur la poésie kabyle.

Diasporadz : Parmi tous les poètes que vous avez étudiés, y a-t-il une figure qui vous touche particulièrement ou dont l’œuvre vous inspire plus que les autres ? Pourquoi ?

Mohand Ouramdane Larab : L’œuvre de Si Mohand Ou Mhand m’a particulièrement marqué. De nombreux chercheurs, comme Si Saïd Boulifa, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, moi-même, Younes Adli ou Abdesselam Abdenour, lui ont consacré des études. Il est le seul auteur auquel on attribue plus de 500 poèmes. Sa vie et son œuvre ont également inspiré plusieurs réalisateurs qui lui ont consacré des films.

Diasporadz : Votre travail s’étend aussi à des domaines comme la biographie, l’histoire et même le sport (avec le dictionnaire des arbitres). Comment ces différentes facettes se complètent-elles dans votre approche culturelle ?

Mohand Ouramdane Larab : J’ai en effet consacré un ouvrage aux arbitres de football algériens, intitulé Dictionnaire des arbitres algériens de football, en hommage à mes anciens collègues. J’ai moi-même été arbitre pendant une vingtaine d’années, avant de devenir formateur d’arbitres, dont plusieurs sont aujourd’hui internationaux et représentent l’Algérie dans des compétitions telles que la CAN, la Coupe du monde ou les compétitions interclubs.

À LIRE AUSSI
Brahim Saci, poète des âmes en veille

Diasporadz : Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes générations kabyles et plus largement amazighes à travers votre œuvre ?

Mohand Ouramdane Larab : Mon message aux jeunes générations kabyles et amazighes est de poursuivre le travail de sauvegarde de notre patrimoine oral, comme l’ont fait nos prédécesseurs : Boulifa, Mammeri, Ouary, Bensedira, Cid Kaoui, Feraoun…

Diasporadz : Quel regard portez-vous, à la fois comme écrivain et chercheur, sur les défis et les espoirs de l’Algérie contemporaine ?

Mohand Ouramdane Larab : L’Algérie est aujourd’hui tiraillée entre deux forces : une Algérie progressiste et démocratique, et une autre, dominée par un courant intégriste et obscurantiste, souvent manipulé par des puissances étrangères comme la Turquie ou les Émirats.

Je reste néanmoins optimiste : les jeunes autochtones ne baisseront pas les bras. Les Nord-Africains n’ont pas de pays de rechange : c’est vaincre ou mourir. Comme disait notre grand ancêtre Massinissa : « L’Afrique aux Africains. »

Diasporadz : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Mohand Ouramdane Larab : Oui, plusieurs projets sont en cours : un roman en langue amazighe, ainsi qu’un ouvrage en préparation depuis une vingtaine d’années, pour rendre hommage à des militants nationalistes tels que Benai Ouali, Amar Ould Hamouda, Mbarek Aït Menguellet, Dr Salah Aït Mohand Said, Rabia Ali dit « Azzoug », Ferhat Ali dit « Oumahmoud », Belaïd Aït Medri, Mohand Amokrane Haddag et Khelifati Mohand Amokrane.

Diasporadz : Un dernier mot peut-être ?

Mohand Ouramdane Larab : Je vous remercie de m’avoir offert cet espace pour partager mon travail. J’en profite pour informer vos lecteurs de ma dernière publication, un ouvrage en hommage à Cheikh Mohand Oul Hocine.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Quitter la version mobile