Sous le soleil brûlant de Béchar, la JS Kabylie tenait un match solide, presque maîtrisé, face aux Aigles de la Saoura. Puis vint cette relance manquée, ce geste malheureux, et le souffle du destin s’invita dans les gants d’un jeune prodige.
Mohand Idir Hadid, gardien prometteur de la nouvelle génération de la JS Kabylie, commit une erreur qui aurait pu tout effacer. Mais loin d’un simple fait de jeu, cet instant raconte bien plus : la fragilité d’un poste, la force d’un caractère et la fidélité d’un club à ses valeurs.
L’instant où tout bascule à contre-sens
Le football est parfois cruel. Il vous élève en héros un jour, et vous rappelle, le lendemain, que vous n’êtes qu’un humain. À Béchar, pour le compte de la 9ᵉ journée du championnat d’Algérie, Mohand Idir Hadid, le jeune gardien de la JS Kabylie, en a fait l’amère expérience.
Son erreur, monumentale et inhabituelle, a offert à la JS Saoura l’occasion de revenir dans un match que les Canaris maîtrisaient parfaitement (2-0). En voulant relancer dans sa propre zone, le portier kabyle a dégagé le ballon sur un adversaire placé à six mètres, qui n’a eu qu’à le pousser au fond. Une action malheureuse, un ballon perdu, et tout un scénario bouleversé. Score final : 2-2.
Une incompréhension assourdissante, presque irréelle, pour ce geste exécuté avec un calme olympien.
Que s’est-il passé dans sa tête ? Un instant d’absence ? Une confusion passagère ? Peut-être ce trouble visuel, né des couleurs identiques des deux maillots — jaune et vert — celles-là mêmes qui symbolisent la JSK, l’a-t-il conduit à prendre son adversaire pour un coéquipier, car l’action ressemblait davantage à une passe qu’à un dégagement. Il n’en fallait pas plus pour inverser le cours de la rencontre et pour déclencher, aussitôt, les aboiements des voraces des pseudo-managers, tapis derrière leurs écrans, promptes à déverser leur fiel sur les réseaux sociaux.
Mais ce match, au-delà de la bourde, raconte une histoire de fragilité et de résilience. Car Hadid n’est pas un gardien ordinaire. Ses qualités rappellent les grandes lignées de gardiens algériens : Amara, Cerbah, Drid, Larbi El Hadi, et d’autres figures qui ont marqué l’histoire du football national. Il impressionne par sa maturité, son sang-froid et ses réflexes à la fois instinctifs et précis. Ses arrêts décisifs ont souvent maintenu la JS Kabylie en vie, jusqu’à faire de lui l’un des symboles du renouveau du club et, surtout, un sérieux futur candidat à la sélection nationale première.
Même les géants sont tombés
Une faute, une seule, et tout semble s’effondrer. Mais les plus grands ont connu cette même vulnérabilité. Oliver Kahn en finale du Mondial 2002, relâchant le ballon devant Ronaldo. Casillas, capitaine de la Roja, submergé par l’orage néerlandais en 2014. Buffon, vacillant à Cardiff face au Real Madrid. Et même Manuel Neuer, l’infaillible mur du Bayern Munich, piégé par Sadio Mané lors de la Ligue des champions 2019 face à Liverpool, pour n’en citer que ceux-là.
Tous ont chuté. Tous se sont relevés. Ce qui distingue les légendes, ce n’est pas l’absence d’erreur, mais la manière dont elles en sortent. Hadid, lui aussi, connaîtra ce moment de rédemption. L’erreur n’efface pas la valeur d’un joueur, elle révèle sa capacité à rebondir.
La JSK, fidèle à son rôle de bâtir et de protéger
La JS Kabylie est en pleine mutation. Elle entame un nouveau cycle de renouveau sous la houlette du technicien allemand Josef Zinnbauer, elle a retrouvé discipline, rigueur et ambition. Sur la scène africaine, elle séduit par son jeu collectif, sa cohérence et cette grinta retrouvée qui fait l’ADN du club.
Hadid incarne cette jeunesse issue du cru, un pur produit de la maison kabyle : talentueux, travailleur, discret, mais pleinement conscient du poids du maillot qu’il porte. Les véritables supporters, ceux qui font rayonner la JSK au-delà des frontières par leur civisme et leur fair-play, le savent : on ne construit pas un champion dans les hourras, mais dans la douleur.
Il a trébuché à Béchar, oui, mais il s’est déjà relevé dans le cœur de ceux qui regardent au-delà d’un score. Le talent, c’est l’instant ; la grandeur, c’est la manière de se relever.
Hamid Banoune


