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Moh Oubelaïd : entre tradition et modernité, l’âme de la musique kabyle

Moh Oubelaïd musique kabyle

Moh Oubelaïd compte trois décennies de carrière, onze albums et des centaines de concerts. Photo DR

Moh Oubelaïd s’impose comme une figure essentielle de la musique kabyle, portée par son engagement artistique et son profond attachement à l’identité berbère.

À travers ses compositions empreintes de poésie et de sensibilité, Moh Oubelaïd marque durablement le monde de la musique kabyle, devenant une référence incontestable pour plusieurs générations.

Originaire du village d’Aït-Brahim, commune d’Aït Aïssa Mimoun (Ouaguenoun, Tizi Ouzou), terre de chants et de traditions, Moh Oubelaïd baigne dès son enfance dans un riche héritage culturel. C’est au CEM qu’il fait ses premiers pas en musique, apprenant la guitare tout en composant ses premières chansons. Très tôt, sa passion le pousse à participer à l’émission « Ihafaden Uzeka », animée par Medjahed Hamid, en 1984 et 1985. Il multiplie ensuite les fêtes et galas, souvent en première partie d’artistes confirmés.

En 1989, il enregistre six chansons destinées à la radio, marquant le début officiel de sa carrière. Son premier album « Tayri nagh teced » voit le jour en 1993, enregistré à Oulad Fayet et édité par Tala. Il inaugure un style à la fois lyrique et ancré dans la réalité kabyle, mêlant amour et attachement à la terre.

L’année suivante, en 1994, sort le deuxième album « Wekelgham temzim », chez Irath Music, dans lequel il approfondit ses thèmes de prédilection : l’identité, la mémoire collective et la poésie engagée.

En 1995, il publie « Atsugh alattsegem » chez Izem, un troisième album aux sonorités toujours plus raffinées, où les émotions intimes côtoient une sensibilité sociale affirmée.

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Suivra en 1996 « Avrid n’ndama », également chez Izem, un album à forte charge émotionnelle. Ce quatrième opus explore la nostalgie, le sentiment de perte et le chemin du souvenir, tout en mettant en valeur l’intensité expressive de l’artiste.

En 1998, il sort deux albums, « Isli Su barnus » et « Azzeka n tayrim », tous deux édités chez Maathka Music. Ces deux œuvres festives révèlent l’attachement de Moh Oubelaïd à la dimension conviviale et populaire de la musique kabyle, avec des rythmes entraînants et une grande chaleur humaine.

En 1999, il sort « JSK » chez Dounia Music, un album hommage à la Jeunesse Sportive de Kabylie, emblème sportif et identitaire de toute une région. À travers cet album, il célèbre la fierté kabyle et la passion collective.

L’année suivante, en 2000, il publie « Amedhar », toujours chez Dounia Music, dans la lignée de ses précédents disques chaleureux et populaires.

Son neuvième album, « Heniyi », paraît en 2001 chez Izem. C’est l’un de ses opus les plus marquants, offrant une plongée immersive dans son univers artistique. La chanson-titre « Heniyi » se distingue par sa charge émotionnelle et sa mélodie poignante. Moh Oubelaïd aborde des thèmes universels comme l’amour, l’exil et l’attachement à la terre natale, à travers des morceaux comme « At tendem-ed », « Avrid n’ndama », « A Laatabiw », « Atin Iyigga », « Walikan », « Agwbel », « Garanag », « Lewhi », ou encore « Chah Chah », une chanson vibrante qui témoigne de la force expressive de l’artiste.

En 2006, Moh Oubelaïd sort son dixième album, « Awal d Amechtuh », cette fois sous sa propre maison d’édition Solfège, qu’il fonde pour accompagner sa démarche artistique en toute indépendance. Cet album poursuit sa quête musicale entre modernité et tradition.

Enfin, en 2016, il publie son onzième album, « Kull-assakka », édité chez Kenza Music. Ce dernier opus témoigne d’une maturité artistique remarquable, entre profondeur poétique et réflexion sur le temps qui passe.

Parallèlement à son parcours musical, Moh Oubelaïd travaille dans différents bureaux d’études d’architecture. Depuis 2010, il est également gérant de son propre studio d’enregistrement, Solfège, où il continue de produire, d’enregistrer et d’accompagner de nouveaux talents.

L’impact de Moh Oubelaïd dépasse largement le cadre musical. Il est l’un des rares artistes kabyles à avoir su construire une œuvre aussi cohérente que prolifique, capable de toucher à la fois l’âme individuelle et la mémoire collective. Ses chansons sont devenues des repères culturels, transmises de génération en génération, chantées dans les foyers, les rassemblements, les festivals ou les moments d’intimité.

Sa force réside dans cette capacité à parler à tous – à la fois aux exilés qui cherchent un écho de leur terre natale, aux jeunes en quête d’identité, aux anciens qui retrouvent en Moh Oubelaïd les sons de leur jeunesse, et à ceux qui découvrent la culture kabyle à travers sa musique.

Il modernise sans jamais rompre avec la tradition, introduit de nouveaux arrangements tout en gardant l’âme poétique et la profondeur lyrique propre à la musique berbère. En cela, il est un véritable passeur de mémoire, mais aussi un créateur de ponts entre les époques, les générations et les mondes.

Un apport artistique et culturel majeur à la musique kabyle. Par sa voix singulière et son univers musical, il a su tracer un sillon original dans un répertoire riche et profondément ancré dans la tradition. Sa capacité à écrire des textes à la fois poétiques et porteurs de sens, à mêler mélodies douces et puissants messages, fait de lui un artiste complet, rare et engagé.

Sur le plan musical, il a su faire évoluer la chanson kabyle sans la dénaturer. Il introduit des arrangements modernes, explore de nouvelles textures sonores, tout en gardant une base acoustique fidèle aux instruments traditionnels. Cette fusion entre authenticité et innovation donne à son œuvre une identité sonore reconnaissable et respectée.

Sur le plan culturel, Moh Oubelaïd joue un rôle de transmetteur de mémoire. À travers ses chansons, il documente les réalités sociales, les douleurs de l’exil, les espoirs d’un peuple, les liens familiaux et l’amour de la terre natale. Il parle à la fois du particulier et de l’universel, de l’individu et de la collectivité. Sa musique devient ainsi un outil de résistance culturelle, une manière de préserver et de valoriser la langue, la mémoire et l’âme berbères dans un monde en mutation.

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En plus de son répertoire personnel, sa contribution au tissu artistique kabyle passe aussi par son rôle de producteur et accompagnateur de talents, à travers son studio Solfège, fondé et géré depuis 2010. Il y enregistre non seulement ses propres œuvres mais soutient également des artistes émergents, perpétuant ainsi la dynamique créative au sein de la scène kabyle contemporaine.

Avec plus de trois décennies de carrière, onze albums, des centaines de concerts et un engagement constant envers la culture kabyle, Moh Oubelaïd s’inscrit durablement dans le paysage musical nord-africain. Sa voix singulière, son style à la fois tendre et engagé et sa fidélité à ses racines font de lui un pilier incontournable de la chanson berbère contemporaine.

En donnant une voix à son peuple, en exprimant ses douleurs, ses espérances, ses luttes et ses joies, Moh Oubelaïd a su créer bien plus qu’une discographie : il a bâti une œuvre vivante, humaine et universelle. Son parcours, exemplaire, inspire et continuera d’inspirer ceux qui, comme lui, font de la musique un acte de mémoire, de résistance et d’amour.

Brahim Saci

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