Le 5 juillet 2025, au cimetière parisien de Thiais, une plaque commémorative a été posée en hommage à Zerrouki Allaoua, figure emblématique de la chanson kabyle. Un hommage simple, mais chargé de sens et de profonde reconnaissance, à la hauteur de l’artiste, organisé à l’occasion du 110e anniversaire de sa naissance.
C’est en ce jour hautement symbolique du 5 juillet – à la fois date de l’indépendance de l’Algérie et date de naissance du chanteur – qu’un hommage appuyé a été rendu à Zerrouki Allaoua, l’un des pionniers de la chanson kabyle.
À l’initiative du réalisateur Arezki Aït Rabah, une plaque commémorative a été posée dans le Carré des Souvenirs, en présence d’artistes et de membres de la diaspora.
Une initiative unanimement saluée
C’est dans le cadre de la réalisation d’un film documentaire sur Zerrouki Allaoua, dont la sortie est prévue prochainement, que le réalisateur Arezki Aït Rabah a initié cette démarche symbolique, avec la précieuse aide de Hamid Aït Saïd et Moulfi Hanafi : la pose d’une plaque commémorative dans le Carré des Souvenirs du cimetière parisien de Thiais.
Pour rappel, au début des années 2000, la dépouille de Zerrouki Allaoua avait été exhumée, incinérée, puis ses cendres dispersées dans ce même Carré des Souvenirs. La plaque, posée en 2025 le jour même de sa naissance, vient désormais honorer durablement sa mémoire.
Fruit d’un travail de longue haleine et d’un profond attachement à la mémoire de l’artiste, cette initiative a pu voir le jour grâce au soutien de plusieurs volontés, notamment celui de l’Association des taxis kabyles de Paris, qui a contribué financièrement à sa réalisation.
Ce moment fort fut marqué par des témoignages et un hommage vibrant au Rossignol de la chanson kabyle, saluant non seulement l’homme et l’artiste, mais aussi toutes les mémoires oubliées de l’exil. Une façon de redonner une voix à ceux dont les chants vivent encore, malgré le silence du temps.

Des voix venues saluer la mémoire d’un maître
Parmi les figures présentes, on comptait de nombreux artistes, des voix familières de la chanson kabyle, ainsi que des personnalités venues de divers horizons : l’infatigable militante et chanteuse Malika Domrane, Nora Aït Brahim, Marzouk Mazari, Arezki Moussaoui, Kamel Mezani, le chanteur Rachid Mesbahi, Madjid Soula, le sénateur Mehenni Haddadou, ainsi que le doyen de la chanson algérienne, Kamel Hamadi.
La liste est loin d’être exhaustive, tant les hommages furent nombreux. Tous sont venus saluer la mémoire de celui que beaucoup surnomment encore le Rossignol, en hommage à sa voix cristalline et à son sens rare de l’interprétation.
Un devoir de mémoire pour les générations futures
Né en 1915 à Amalou, dans les hauteurs de Seddouk, à Béjaïa, Zerrouki Allaoua débute dans la musique andalouse avant de se tourner vers la chanson kabyle, sous l’influence de Cheikh Sadek Abdjaoui. Très tôt, sa voix rare et puissante séduit les plus grands.
Ses textes, empreints de profondeur, abordent les douleurs de l’exil, la séparation, l’amour, la nostalgie du pays, mais aussi les affres du colonialisme. En 1948, il enregistre ses premiers disques chez Pathé Marconi et s’impose rapidement comme l’une des figures les plus aimées de la chanson kabyle en France.
De Ya Rab Lahnin à Yemma Zahriw Yemuth, en passant par A-Taskurt, ses chansons continuent d’habiter les mémoires et d’éveiller les cœurs, portées par une maîtrise vocale exceptionnelle et un répertoire d’une grande richesse émotionnelle.
En posant cette plaque, les organisateurs n’ont pas seulement voulu honorer l’héritage d’une sommité artistique, mais rappeler l’importance de préserver la mémoire des artistes qui ont porté haut les couleurs de la culture amazighe en terre d’exil.
« C’est une page d’histoire que nous gravons aujourd’hui dans le marbre, pour ne jamais oublier », a souligné Arezki Aït Rabah en marge de la cérémonie. Car Zerrouki Allaoua, au-delà de son art, incarne cette génération d’artistes en exil qui ont su faire de la douleur un chant, et de l’exil un pont entre les peuples. Son rossignol s’est tu, mais son chant traverse encore les générations.
Un dernier geste de mémoire partagé : à l’issue de cet hommage, l’ensemble des présents a également profité de ce moment de recueillement pour se rendre sur la tombe d’un autre grand nom de la chanson kabyle : Karim Tizouiar, disparu en 2023, dont l’empreinte artistique demeure vive dans les cœurs et les consciences.
Hamid Banoune