Entre abstraction et surréalisme, les compositions foisonnantes de Benghezala Boufellah Amel invitent le spectateur à un voyage intérieur, une exploration méditative des profondeurs de l’âme et de la mémoire, une plongée dans son travail unique, fruit d’une maîtrise classique mise au service d’une liberté créative audacieuse.
Les œuvres de Benghezala Boufellah Amel, née à Alger et originaire de Béjaïa, diplômée des Beaux-Arts d’Alger en design graphique, révèlent un univers d’une grande densité visuelle et symbolique, un monde qui échappe à toute catégorisation simple. Elles ne se contentent pas d’être abstraites ou décoratives ; elles imposent une présence, presque vivante, qui exige du regard qu’il s’attarde, qu’il fouille, qu’il accepte de se perdre.
À partir des années 2000, elle a exposé en Algérie, à Canne, mais aussi en Turquie, renforçant ainsi son rayonnement international et faisant découvrir son univers singulier à un public élargi. Dans le travail de Benghezala Boufellah Amel, l’influence de son artiste phare, Vassily Kandinsky, maître de l’abstraction lyrique, se fait ressentir, notamment dans sa manière d’associer couleur et émotion pour ouvrir des espaces de méditation visuelle.
On est immédiatement happé par l’intensité chromatique, ses tableaux sont une explosion de couleurs vives et saturées – oranges, roses, verts acides, violets, agencées en motifs géométriques foisonnants. L’œil est contraint de naviguer dans un labyrinthe de formes : spirales, flèches, triangles, cercles, fragments de visages. Ce n’est pas une simple accumulation décorative ; il s’agit d’un langage, d’un système de signes presque totémique. Les yeux disséminés à travers la composition semblent veiller, surveiller, témoigner. Ils évoquent cette idée d’un regard multiple, d’une conscience éclatée, où chaque fragment contient une vérité. On pourrait y voir une cartographie mentale, un paysage intérieur pris dans un état de surcharge perceptive, presque psychédélique. La densité des motifs et l’absence d’espace vide nous enferment volontairement dans cette jungle visuelle. Il n’y a pas de respiration, pas d’échappatoire – c’est un monde total, saturé, comme l’intérieur d’un esprit en perpétuelle activité.
Les formes serpentines, entrelacs de lignes et de volumes texturés, construisent un espace plus ambigu, moins défini, mais tout aussi vivant. Ici, les éléments semblent se mouvoir, se croiser, fusionner dans un enchevêtrement biomorphique. On pense à des entrailles, des réseaux nerveux, des plantes, des cellules – un univers micro et macroscopique à la fois. Ce que Benghezala Boufellah Amel parvient à capter ici, c’est l’idée d’une vie intérieure en mutation constante, d’un monde qui échappe à la fixité. Le regard est cette fois entraîné dans un mouvement circulaire, hypnotique, comme si le tableau respirait, pulsait, devenait lui-même un organisme autonome.
Ce qui relie les œuvres, au-delà de leur richesse formelle, c’est cette volonté de rendre visible l’invisible. Benghezala Boufellah Amel ne peint pas des scènes, elle peint des états. Elle nous donne à voir ce que l’on sent mais que l’on ne peut formuler, ce que l’on perçoit du coin de l’œil, dans le vertige de la pensée ou du rêve. Son langage visuel, fait de symboles, de motifs, de textures et de regards, se situe entre le rituel et l’intime, entre l’archaïque et l’hyper-contemporain. C’est une œuvre qui invite à la lenteur, à la méditation, à l’errance intérieure. Une œuvre qui ne cherche pas à plaire, mais à troubler, à éveiller, à faire surgir quelque chose d’oublié ou d’enfoui.
Les tableaux de l’artiste Benghezala Boufellah Amel présentent une œuvre abstraite et surréaliste, se caractérisant par des formes organiques et des couleurs vives. L’artiste utilise des motifs répétitifs et des textures détaillées pour créer un effet de profondeur et de mouvement, comme on peut le voir dans les cercles concentriques et les lignes ondulantes. Les compositions semblent fragmentées, avec des sections distinctes qui s’assemblent pour former une image plus grande. Il y a un contraste entre les formes douces et fluides et les motifs géométriques plus stricts, ce qui donne une impression de dynamisme et d’énergie. Les yeux, qui apparaissent dans plusieurs œuvres, confèrent une dimension anthropomorphique et intrigante aux créations.
L’utilisation de la couleur est audacieuse, avec des teintes de rose, bleu, jaune, orange et vert qui s’entremêlent, souvent délimitées par des lignes sombres. Cette palette crée un impact visuel fort et renforce le caractère fantaisiste de l’œuvre. Le style de Benghezala Boufellah Amel rappelle le surréalisme et l’art psychédélique, invitant le spectateur à explorer un monde intérieur et onirique.
Le travail de Benghezala Boufellah Amelest immédiatement reconnaissable et se distingue par un langage visuel qui lui est propre. Ses tableaux ne se contentent pas de dépeindre une réalité, ils créent un monde. L’artiste algérienne s’éloigne du réalisme pour explorer des formes qui semblent à la fois organiques et mystérieuses. On y retrouve des visages et des corps stylisés, souvent entrelacés ou flottant dans l’espace, qui semblent raconter des histoires intimes et des émotions complexes.
Le style de Benghezala Boufellah Amel est une fusion d’influences qui dépasse les cadres habituels de classification artistique. Il puise à la fois dans le surréalisme, l’art psychédélique, les arts premiers, mais aussi dans une sensibilité profondément personnelle, presque mystique. Ce qui frappe d’emblée, c’est cette capacité à mélanger avec une étonnante cohérence des éléments visuels qui, ailleurs, pourraient sembler dissonants. Chez elle, l’inattendu devient langage. Les yeux démesurés, récurrents dans son œuvre, ne sont pas de simples motifs symboliques : ils fonctionnent comme des ouvertures vers un monde intérieur, des passages entre la surface du tableau et des zones plus profondes de l’expérience humaine. Ils nous fixent, nous interrogent, nous attirent dans un espace mental où les repères se brouillent.
Un style unique, dense et foisonnant
En parallèle, son usage minutieux des motifs répétitifs – cercles concentriques, hachures, spirales, lignes ondulées – inscrit sa démarche dans une tradition ornementale revisitée. Ces éléments, traités avec une précision presque obsessionnelle, créent une texture vibrante, tactile, qui anime la surface de la toile et la rend vivante. Il ne s’agit pas simplement de décorer, mais de rythmer, de structurer un espace pictural où chaque centimètre carré compte, où rien n’est laissé au hasard. Cette densité graphique évoque parfois les effets visuels des œuvres psychédéliques, dans leur capacité à immerger le spectateur dans un état perceptif modifié, oscillant entre fascination, trouble et méditation. Le regard est capté, happé, contraint à la lenteur et à la minutie.
Ce style unique, dense, foisonnant, n’est jamais gratuit. Il est au service d’un propos plus vaste. L’apport principal de Benghezala Boufellah Amel à l’art contemporain algérien, et au-delà, réside dans cette capacité rare à créer un univers profondément personnel, mais dans lequel chacun peut projeter ses propres émotions, ses angoisses, ses rêveries. En ce sens, ses œuvres dépassent largement le cadre de l’expression individuelle : elles deviennent des surfaces de résonance collective. Elles questionnent la condition humaine, la mémoire, le rêve, le corps, l’intériorité. Chaque tableau devient un espace de réflexion, un support de dialogue muet entre l’artiste et le monde.
Son œuvre incarne une forme de liberté artistique revendiquée. Elle ne se soumet à aucune école, ne suit aucune tendance. Elle se forge dans une indépendance esthétique totale, nourrie par son propre vécu, sa sensibilité, et son environnement culturel. Cette authenticité se traduit par une expression picturale vibrante, instinctive, émotionnelle, mais toujours maîtrisée. L’audace de la couleur, l’harmonie inattendue entre des teintes vives et des textures denses témoignent d’une technique solide, acquise et transcendée. Mais Benghezala Boufellah Amel ne se laisse jamais enfermer dans la virtuosité : elle laisse place à l’intuition, au geste libre, à la surprise du trait.
Au croisement du cérébral et du sensoriel, du construit et du spontané, son art affirme une posture singulière dans le paysage artistique actuel. Benghezala Boufellah Amel ne cherche pas à plaire, à séduire ou à illustrer : elle propose. Elle ouvre des espaces de pensée et de sensation, des mondes où le regard devient exploration. En cela, son travail s’impose comme une œuvre dense, riche, essentielle, qui dialogue avec les grandes questions humaines tout en affirmant une voix profondément personnelle et indéniablement contemporaine.
Benghezala Boufellah Amel est une artiste qui, par son style singulier et ses compositions foisonnantes, a su créer une œuvre qui invite au dialogue entre le spectateur et la toile. Il ne s’agit pas simplement d’un face-à-face esthétique, mais d’un véritable échange silencieux, presque intime, entre l’œuvre et celui ou celle qui la regarde. Chaque tableau agit comme un miroir kaléidoscopique : il ne reflète pas une image unique, figée ou imposée, mais ouvre au contraire un champ de lectures multiples, personnelles, parfois même contradictoires.
Son art ne se donne pas d’emblée. Il exige du temps, de la disponibilité, une forme de lâcher-prise. Les formes imbriquées, les motifs répétés à l’infini, les couleurs vives qui s’entrechoquent ou se répondent, les visages dissimulés ou fragmentés entre les lignes – tout dans sa peinture nous pousse à aller au-delà de l’apparence. Ce n’est qu’en s’abandonnant à cette immersion visuelle que l’on commence à percevoir ce qui se trame en profondeur : des émotions diffuses, des souvenirs flottants, des états d’âme qui ne sont pas représentés de manière figurative, mais évoqués, insinués, comme dans un rêve ou un poème visuel.
Benghezala Boufellah Amel maîtrise l’art de la suggestion. Rien n’est jamais totalement dit, et c’est cette ouverture, ce non-dit, qui permet à chaque spectateur de projeter ses propres références, ses propres questions, dans la lecture de l’œuvre. Ce qui pourrait paraître chaotique ou cryptique au premier regard devient, peu à peu, un espace d’exploration intérieure. C’est une œuvre poreuse, vivante, qui se transforme selon celui qui la regarde et selon le moment où elle est regardée.
Par cette démarche, Benghezala Boufellah Amel nous rappelle que l’art n’est pas seulement un objet de contemplation, mais un vecteur d’introspection. Elle ne livre pas de vérités toutes faites, elle crée des passerelles : entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’instant et la mémoire, entre le sensible et l’imaginaire. En cela, elle ne cherche pas à convaincre, mais à éveiller. Ses toiles deviennent alors des territoires à habiter, des lieux mentaux où chacun peut se retrouver, ou se perdre. C’est cette générosité artistique, cette capacité à susciter le questionnement plutôt que de donner des réponses, qui rend son œuvre si profondément humaine et singulière.
Brahim Saci