L’architecte Amel Bara Kasmi voit le jour à Béjaïa (Bgayet), une ville au riche passé historique et culturel, souvent surnommée la ville des lumières en raison de son éclat unique dans la région. Ce lieu chargé d’histoire, où se mêlent traditions ancestrales et modernité, a profondément nourri sa sensibilité artistique et façonné son regard sur le monde. Formée initialement en architecture et urbanisme, discipline qui allie rigueur technique et créativité, Amel a su développer un regard affûté sur l’espace et la forme, ainsi qu’une capacité à concevoir des projets porteurs de sens.
Plus qu’une simple architecte, Amel Bara Kasmi est avant tout une passionnée d’art dont l’âme créative s’exprime à travers de multiples disciplines. Elle incarne ainsi une nouvelle génération de créateurs algériens, à la fois innovants et profondément engagés, qui portent avec fierté la culture de leur pays tout en cherchant à la renouveler, à la transmettre et à la faire rayonner au-delà des frontières. Son parcours reflète cette alliance subtile entre tradition et modernité, entre savoir-faire technique et expression artistique, faisant d’elle une figure inspirante et porteuse d’un renouveau culturel en Algérie.
Forte de 15 ans d’expérience professionnelle, Amel a travaillé dans des bureaux d’études en architecture prestigieux à Béjaïa. En parallèle, elle gère depuis 2016 deux boutiques familiales, « Le Royaume des Écharpes » et « Annexe Les Deux Dames », tout en ayant occupé le poste de designer chez Seven Pillars.
À travers sa galerie innovante « Ifru Design », qu’elle a fondée et dirigée pendant plusieurs années avant d’en clore les activités, elle a offert un espace unique où diverses formes d’expression artistique se croisaient, tout en soutenant activement les jeunes talents. Aujourd’hui cheffe de projet au Musée Rabia Tahar, Musée des Transports Urbains d’Alger (ETUSA), elle poursuit son engagement culturel en continuant à donner une visibilité à l’art et aux artistes algériens, confirmant ainsi sa place parmi les figures majeures qui redéfinissent la scène artistique contemporaine algérienne. Elle est également ambassadrice de l’association tunisienne de promotion du tourisme culturel (L’Association nationale pour l’encadrement de la jeunesse).
Amel Bara Kasmi s’est imposée comme une figure emblématique et incontournable de la scène artistique algérienne contemporaine grâce à un parcours à la fois riche et atypique. Initialement formée en architecture, elle a su tirer profit de cette discipline rigoureuse, qui allie créativité et technique, pour s’ouvrir à des domaines artistiques plus larges. Son bagage d’architecte lui a offert une compréhension fine des espaces, des volumes et des interactions entre les œuvres et leur environnement, une compétence qu’elle a brillamment mise au service de sa passion pour l’art.
Ce passage de l’architecture à l’art s’est construit au fil de son cheminement personnel et professionnel. Amel a compris très tôt que la créativité ne pouvait se cantonner à un seul champ d’expression. C’est pourquoi elle a enrichi ses compétences en s’ouvrant à de multiples disciplines : infographie, communication visuelle, conception numérique, montage vidéo, mais aussi histoire de l’art, esthétique et analyse d’œuvres. Elle a de plus exploré des métiers artistiques et artisanaux variés tels que la broderie russe avec Olga Benkhodja, la céramique avec Nathalie Andris, la pâtisserie et le patchwork. Constamment animée par une quête de perfectionnement, elle a finalisé en janvier 2025 une formation de curateur avec Abdelkader Damani à l’Institut Français d’Alger, et poursuit en parallèle des études en ligne en histoire de l’art et archéologie à l’université française Domuni Universitas. Cette ouverture pluridisciplinaire lui a permis d’aborder l’art sous toutes ses formes, mêlant rigueur et intuition.
La petite histoire d’Ifru Design
L’ouverture d’Ifru Design a marqué une étape décisive dans sa vie. À la suite d’une épreuve personnelle et d’un long processus de résilience, l’architecte Amel Bara Kasmi a ressenti le besoin de renouer avec la création et de donner forme à un espace à la fois artistique, humain et symbolique. Cette agence et galerie est née comme un hommage à sa famille et à cette atmosphère empreinte de musique, de poésie, dans laquelle elle avait grandi. Par ce geste, elle souhaitait retrouver cet esprit de partage, de lumière et de chaleur humaine qui l’avait profondément marquée. Ce projet, à la fois intime et collectif, s’est concrétisé en 2019, après plusieurs années de préparation. Forte de son TS en architecture, de son BTS en design d’intérieur, elle a mis toute son expertise au service de ce lieu culturel. La galerie se voulait avant tout un espace de liberté, un endroit où chacun pouvait s’exprimer sans limite ni barrière, qu’il soit artiste confirmé ou simple passionné. La liberté d’expression, principe fondateur d’Ifru Design, en faisait un lieu ouvert à toutes les formes d’art, dans une approche résolument multidisciplinaire.
Le nom même de la galerie, « Ifru Design », résumait son identité et son essence. Le terme « Design » renvoyait à son parcours en architecture et design d’intérieur, tandis que « Ifru » puisait ses racines dans la mythologie berbère, en référence à Ifri ou Ifru, déesse protectrice de l’Afrique, aussi connue sous le nom de déesse Africa. Ce choix symbolique exprimait la double nature d’Amel : la force d’une bâtisseuse et la bienveillance d’une gardienne. Elle voyait dans ce symbole la continuité de son propre rôle : protéger les œuvres, défendre les artistes et transmettre la lumière de la création. La palette chromatique de la galerie incarnait également une dimension poétique : le vert, rappelant la nature, la savane africaine et son enfance à Béjaïa ; le blanc, symbole des âmes et de la lumière. Ces teintes, choisies avec soin, créaient un environnement épuré et spirituel où chaque œuvre pouvait respirer et dialoguer avec l’espace. Ce projet a pu voir le jour grâce à une collaboration précieuse avec l’artiste-plasticien Karim Sergoua, qui a contribué à la conception et à la mise en place initiale de la galerie.
La ligne artistique d’Ifru Design reposait sur la valorisation des métiers de l’artisanat et des savoir-faire ancestraux, dans une volonté de les relier aux pratiques contemporaines. La galerie cherchait à redonner vie à des disciplines oubliées tout en leur offrant un traitement moderne et innovant. Son approche était profondément pédagogique et participative : Amel souhaitait initier le public aux différentes disciplines artistiques, rendre l’art accessible et encourager les échanges entre créateurs et visiteurs. Elle estimait que la culture artistique devait être enseignée et partagée pour que l’art retrouve sa place et sa valeur dans la société. Les ateliers, formations et rencontres littéraires organisés à la galerie visaient à créer un dialogue direct entre artistes et public. Ces activités, souvent collectives, permettaient aux participants d’explorer de nouvelles techniques tout en comprenant la démarche créative des artistes.
Pour l’architecte Amel Bara Kasmi, être galeriste ne se limitait pas à organiser des expositions ; c’était aussi accompagner les artistes, comprendre leur démarche et les aider à évoluer. Elle considérait ce rôle comme un engagement total, nécessitant une grande passion et une réelle endurance, tant physique que morale. Elle constatait également que le métier de galeriste, bien structuré dans d’autres pays, restait encore émergent en Algérie, où le marché de l’art demeure fragile et en construction. Son objectif dépassait le simple aspect commercial : elle percevait la galerie comme une mission culturelle et humaine, un partage de passion plutôt qu’un commerce. Par ailleurs, elle dénonçait les freins sociétaux à la diffusion de l’art, comme la méfiance du public envers les galeries souvent perçues comme réservées à une élite, ainsi que le manque de formation artistique dans le système éducatif. Pour elle, la démocratisation de l’art passe par l’éducation du regard et la sensibilisation aux différentes disciplines.
Amel a toujours privilégié une relation de confiance et d’écoute avec les artistes. Son intelligence sensible et son expérience esthétique lui permettaient de percevoir les besoins de chacun, d’encourager leur liberté créative tout en les guidant vers plus de rigueur technique. Elle a accompagné plusieurs jeunes talents, notamment Sulaiman Shaheen, étudiant en sculpture à l’École des Beaux-Arts d’Alger, dont elle a suivi le développement artistique depuis ses débuts. Pour elle, donner espoir aux jeunes, les aider à exposer et à comprendre leur propre démarche constituait une mission centrale. L’expérience d’Ifru Design a représenté pour Amel un véritable laboratoire d’apprentissage et d’échange humain. Elle y a découvert la complexité du milieu artistique, fait d’un équilibre fragile entre passion, rêve et réalité économique.
Un parcours dédié aux arts
Dans un contexte de crise, les ventes d’œuvres restaient rares, mais chaque exposition, rencontre ou atelier renforçait sa conviction que l’art devait demeurer un espace libre et sincère. Les nouvelles technologies occupaient déjà une place importante dans son approche. Amel a su exploiter les réseaux sociaux pour faire connaître les artistes et diffuser leurs œuvres, malgré l’absence d’un véritable marché de l’art en Algérie.
Même après la fermeture de la galerie, Amel Bara Kasmi continue à s’investir activement dans le champ artistique. Elle a notamment conçu le projet Ifru Nomade, une Galerie Mobile installée sur une remorque d’environ 7m², pensée comme une abstraction d’une chambre d’étudiant pour l’exposition d’œuvres et l’organisation d’ateliers et de rencontres littéraires dans différentes villes. Son rôle actuel au Musée Rabia Tahar, Musée des Transports Urbains d’Alger (ETUSA) lui permet de prolonger cette mission : valoriser la mémoire, le patrimoine et la création contemporaine. Elle collabore également à des projets curatoriaux, ainsi qu’à des programmes de médiation et de formation, poursuivant la même philosophie d’ouverture et de transmission. Son parcours témoigne d’une constance remarquable : celle de relier art, technique et humain.
Ses actions s’inscrivent dans un réseau institutionnel solide, incluant des collaborations avec des entités telles que l’École supérieure des beaux-arts d’Alger, l’Institut français d’Alger, l’Ambassade des États-Unis, la Cinémathèque Algérienne et l’Agence Algérienne Pour Le Rayonnement Culturel, ainsi que sa participation aux Journées d’Art contemporain de Carthage. Amel incarne aujourd’hui une visionnaire de la culture, capable d’unir création, pédagogie et engagement social.
Pour elle, l’art ne se limite pas à une simple expression esthétique, mais représente un moyen de rassembler, d’éduquer et de transformer. Son travail prône un art accessible à tous, un art du partage qui reflète la richesse de la culture algérienne et la diversité de ses talents. À travers son parcours, l’architecte Amel Bara Kasmi ne s’est pas contentée de fonder une galerie ; elle a posé les bases d’une nouvelle manière de penser et de vivre l’art, où la création devient un vecteur de lien social, d’émancipation et de progrès collectif. Elle demeure une actrice essentielle du renouveau culturel en Algérie, dont la vision et l’action façonnent un avenir où l’art est profondément au service de l’humain, de la mémoire et de la société
Brahim Saci